Adaptation d'un manga éponyme de la seconde moitié des années 80, Appleseed nous téléporte en 2131 pour explorer un futur dystopique. Les bioroïds (clones créés pour éprouver ni amour ni haine) et les humains vivent en harmonie dans la cité d'Olympus, quelques années après qu'un ultime conflit mondial ait ravagé en grande partie la Terre. Mais au sein de ce paradis fantasmé, les tensions sont plus vives qu'on ne le pense. Le commandant Deunan sera ainsi au centres d'un conflit qui agite la cité, entre pro-humains et un gouvernement tourné vers une autonomie accrue des IA. Impossible de na pas reconnaître la patte de Masamune Shirow, l'auteur du manga et scénariste de l’adaptation, avec ce techno-thriller futuriste mettant en parallèle l'évolution des technologies à celle de notre moralité. Mondialement reconnu pour son Ghost in the Shell paru en 1991, d'ailleurs brillamment adapté en long métrage quatre ans plus tard par Mamoru Oshii, il explore déjà ici de nombreux concepts propre à son œuvre et au cœur de la mouvance cyberpunk.
Le projet est confié à Shinji Aramaki. Réputé pour son travail de designer sur des OAV et des animés tels que Digimon ou Fullmetal Alchimist, il passe à la réalisation pour la première fois de sa carrière. S'inspirant sûrement du Final Fantasy : Les Créatures de l'esprit et du jeu vidéo Fear Effect, il décide d'expérimenter les nouvelles technologies d'animation qui s'offrent à lui. En plus de la capture de mouvement, il a recours à l'ombrage de celluloïd pour l'ensemble du long-métrage. Pour schématiser, c'est une technique qui permet de transformer les images 3D en images 2D. Cela va ainsi à l'encontre de l’utilisation qui est généralement faite de la 3D, à savoir repousser sans cesse les limites du réalisme. Des contours crayonnés sont même conservés pour se rattacher à une animation dite «traditionnelle». Pari technologique réussi puisqu'à sa sortie Appleseed est le premier film à combiner les deux méthodes. Mais comme toute technologie visuelle, le temps a fait son office. Et en 2024, les premières images arrachent la rétine. Il faut clairement un temps d'adaptation pour entrer pleinement dans ce récit science-fictionnel aux animations parfois similaires à un jeu vidéo PS2. Inutile d'incriminer le film vingt ans après sur ce point, c'est le lot de nombreux classiques qui ont pourtant traversé le temps malgré des techniques visuelles d'antan. Pour qui fera l'effort de passer outre un style daté, il sera récompensé par la richesse thématique et scénaristique du long-métrage.
En effet, l'auteur prolonge ses obsessions de toujours. Que ce soit la dualité homme/machine, les intrigues politiques ou les questions d'éthique quand au clonage et à la création d'une nouvelle humanité, le film profite des différentes ramifications de son récit pour les aborder frontalement. Moins profond qu'un Ghost in the Shell, la référence en matière de filmage philosophique cyberpunk, le film se rattrape par des scènes d'action emballées avec soin, dynamitant la profondeur d'une animation 2D classique. Même si la technique pure est datée, la direction artistique du film est à saluer, entre son imposante capitale Olympus, sa plate-forme pétrolière menaçante et ses méchas massifs, véritables berserkers du futur.
Au-delà d'une forme vieillissante et d'un actionner politique pas dénué d'intérêt, se dessine en filigrane des enjeux d'une modernité confondante : une planète à sauver et le recours intensif à l'intelligence artificielle. On aurait pas trouvé mieux aujourd'hui.
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