Dix ans après le premier opus, Appleseed Alpha vient conclure une trilogie imparfaite mais devenue culte au sein de la mouvance cyberpunk. Retour aux affaires du créateur original suite à un second volet réalisé sans sa participation. Masamune Shirow s'occupe cette fois du scénario, formant un duo avec l'américaine Marianne Krawczyk. Un nom qui n'évoque comme ça pas grand chose, mais pourtant. Derrière ce patronyme aux sonorités polonaises se cache la scénariste du cultissime God of War, jeu vidéo guerrier dans la Grèce Antique sorti en 2005. Elle sera même récompensée par un Game Award en 2007 pour sa participation au second opus. Après une dizaine d'années passées dans le milieu vidéoludique elle se retrouve à l'écriture d'un projet cinématographique, aux côtés d'une référence de la science-fiction japonaise. Un mariage qui illustre la coproduction désormais en place entre le Japon et les États-Unis pour ce troisième film. Les doublages seront d'ailleurs assurés en anglais pour la distribution internationale, ce qui explique une édition Dvd/Blu ray où le doublage japonais brille par son absence. Hérésie impardonnable pour tout fan qui se respecte, il se trouve pourtant que l'animation est clairement prévue pour la langue de Shakespeare. Et donc contre toute attente, la version anglaise est impeccable.
Le début du film surprend. La grand cité flamboyante et futuriste d'Olympus laisse place à une ville typée New-yorkaise à l'abandon et des étendues désertiques à perte de vue. On retrouve Deunan et Briareos prêts à en découdre avec une bande de malfrats au fin fond d'un métro vide et décharné, héritage d'une civilisation disparue. Émergeant alors des sous-terrains, ils rencontrent Deux Cornes, petit parrain de la mafia locale. Le récit est saisi en cours de route, les relations entre les différents protagonistes sont déjà établies, pas le temps pour une exposition longue et fastidieuse. Le duo doit effectuer une dernière mission pour régler définitivement sa dette. L'idée est de proposer un préquel pour conclure la trilogie Appleseed, quelques années avant les événements du premier film. Une trouvaille pertinente, qui permet de coller au plus près de nos deux protagonistes, loin des éparpillements thématiques du concept original. Sur leur chemin ils croiseront la route d'Iris et Olson. Une fois n'est pas coutume dans la saga, on a affaire à des extrémistes/terroristes. Sauf qu'ils seront cette fois au cœur du récit, accompagnés par Deunan et Briareros. Parqués pendant deux films à Olympus, on découvre désormais ce qu'il reste du monde, de ses sociétés et individus. Un nouveau Wasteland.
En effet, impossible de ne pas penser à Mad Max pendant la projection d'Appleseed Alpha : monde post-apocalyptique, survie du plus fort, engins motorisés excentriques et violence permanente. Référence de base du projet en terme d'identité visuelle et thématique, le film lorgne également du côté de La Route ou du jeu vidéo Last of Us. Pas de zombies en vue, mais un parcours à travers des États-Unis désertés, où un petit groupe de survivants devra faire face à différentes menaces. Affrontant un groupe d'élite largué sur Terre pour éradiquer toute trace de vie, le film renverse les codes des épisodes précédents, faisant d'Olympus une entité fascisante. Loin de l'image paradisiaque aperçue précédemment, c'est ici une idée fantoche, inaccessible pour des mortels répudiés. Refusant de les laisser survivre dans leur dénuement, cet état proclamé élite du monde souhaite les détruire afin d'éliminer toute potentielle menace à son hégémonie. On pense aussi au manga Gunn et sa division sociale verticale, où les plus pauvres vivent des restes des plus riches. Science-fiction, vraiment ?
Bardé d'influences, accentuant son propos originel qui pointait déjà quelques dérives idéologiques, ce troisième volet trace son propre chemin. Désormais réalisé dans une 3D plus réaliste et à la pointe technologique, le film excite la rétine à travers des panoramas par moments sublimes. L'action se veut frénétique, grandiose, et contrebalance le tout avec un humour assez réussi, grâce entre autres au personnage de Deux Cornes, salaud au grand cœur et charismatique en diable. Appleseed Alpha se détourne ainsi de son prédécesseur. Là où ce dernier s'engluait dans son intrigue politique à rallonge, ce nouvel opus assume son virage action grâce à un scénario simplifié à l'efficacité redoutable. Une manière atypique et réussie de conclure une saga plus riche qu'il n'y paraît.
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