" Suspendre le réel, avant toute chose ..."
Comment raconter un fait divers sans tomber dans la banalité ? Le cinéma tente de répondre à cette question depuis des années puisque le fait divers fait aujourd'hui partie intégrante de nos films avec plus ou moins de bonheur il faut le dire. Le parti pris de Jean-Jacques Jauffret, pour son premier film, est quelque peu déstabilisant, assez original et ce dès le début où l'on assiste à une scène, en plan fixe, d'un vieil homme qui nettoie son fusil en écoutant de la musique classique. Le film saisit l'instant, le moment, la suspension. Revenant sans cesse sur les évènements d'une seule journée dans la vie de 4 personnages qui se croisent et se recroisent sans cesse comme dans un jour sans fin. Ce retour incessant permet justement d'élever le banal, de rendre poignante les petites humiliations de la vie que subissent tour à tour nos personnages et plutôt que d'expliquer, d’aller vers le drame, l'inexplicable certes mais de disséquer des parcours. Le film insiste clairement sur le réalisme et l'on peut se demander l'utilité de toutes ces scènes où les personnages prennent une douche.
Le film créer donc un hors temps à l'aide de plans très scolaires où la caméra colle aux basques des personnages les suivants dans de grandes étendues à l'aide d'un travelling. Nulle part et partout elle capte sous plusieurs angles et points de vu les instants, toujours les mêmes. Un film surprenant, pas complètement aboutit, il y a comme un gout d'inachevé ou du moins il manque quelque chose à ce film, on ne rentre jamais vraiment complètement dedans. Reste que les acteurs défendent bien leurs rôles. C'est un objet cinématographique, presque un travail technique plus qu'un vrai film et ça reste intéressant pour cela, l'étude d'un moment et de sa fictionnalisation, sa mise en images et en mouvement... Le destin reçoit une place d'honneur et le temps se suspend pour un film original mais incomplet.