A l’heure où les blockbusters formatés des Studios Marvel saturent le marché, DC tente de concurrencer son rival sur le même tableau en reprenant à son compte cette légèreté humoristique qui lui faisait donc défaut, du moins aux yeux de l’exécutif. Le constat est clair, on déprime trop avec Batman. Ce ne sera pas le cas du parent pauvre de la Justice League, toujours relégué à la figuration, voir même au rang de gimmick humoristique au vu de son look hétéroclite. The Suicide Squad de David Ayer témoignait déjà de ce revirement de la firme qui était prête à se prostituer pour plaire au plus grand nombre. Outre ses fauves auxquelles on aurait limé les griffes, le monde était sauvé grâce au pouvoir de l’amitié, au prix d’un maigre sacrifice si ce n’est celui de la subversion tant promise par la réalisateur en conférence de presse et finalement absente d’un divertissement souffrant globalement de ses mauvaises décisions et d’un montage imposé par la production. Aquaman suit peu ou prou le même cheminement avec ses vannes qui tombent souvent à l’eau ainsi qu’un scénario aux relents shakespeariens entre deux frères que tout oppose. En résulte un film qui oscille entre deux tons, deux ambiances, aussi bien parodique que premier degrés. Comme ses confrères, il s’agit d’établir une origin story et d’affubler son héros d’une panoplie ainsi que d’une quête existentielle, celle d’unifier Atlantes et humains en dépit de son frère qui souhaite devenir le nouveau souverain des mers et déclarer la guerre contre la Terre suite à un attentat, en réalité un complot fomenté par le pirate Black Manta. L’intrigue géopolitique invoque un spectre pas si lointain, celui du 11 septembre 2001. On retrouve également des problématiques écologique et sociologique, tel que les phénomènes de buzz médiatique et de désinformation accentuée par l’utilisation des réseaux sociaux, ce qui permet d’ancrer le film à notre époque.
Si on craignait que les pontes de la Warner ne fassent encore n’importe quoi en formatant leur dernier né aux règles et conventions du marché, c’était sans compter sur le contrôle total et la vision de son réalisateur qui en a profité pour s’amuser comme un enfant dans un rayon de jouet. Inutile de se prendre très au sérieux dans un monde où il n’est pas rare de croiser des requins en armures ou bien des chevaliers Elfique chevaucher des hippocampes, des pieuvres qui battent du tambour, des gambas géantes, des machines de guerre et des vaisseaux aquatique pilotés comme des X-Wing, et même des raz de marais d’ampleur cosmique. Le cheminement aura beau rabattre l’infini étendu du Space Opera façon Star Wars, il le fait avec infiniment plus d’originalité et de liberté que ne le faisait la dernière trilogie. C’est bien simple, James Wan ne s’embarrasse d’aucune contrainte technique ni même d’un sens des convenances esthétique quitte à faire preuve de mauvais goût et à tomber dans le ringardisme assumé de ses effets par un tsunami de CGI boosté sous stéroïdes. Le film multiplie les références afin de développer et d’enrichir son univers : la ville dystopique d’Atlantis et son trafic dense à hauteur de gratte-ciel est par exemple inspiré de Blade Runner, la recherche du trident doré s’inspire des aventures de Indiana Jones, le royaume de la fosse et ses dinosaures semble vraisemblablement emprunté à celui du Voyage au Centre de la Terre de Jules Verne, les abysses sont peuplés de créatures lovecraftiennes, quant à la bataille finale en rang serré, celle-ci évoque évidemment celle du Seigneur des Anneaux.
Ce bouillon de culture tout azimut prend néanmoins le risque de saturer le spectateur qui n’y était pas préparé d’autant qu’à vouloir trop en montrer à vitesse grand V on finit par en oublier la moitié faute d’avoir eu le temps de rependre notre souffle. Cet océan bouillonnant d’idées qui tranche avec son relatif calme apparent prend l’allure d’un épais millefeuille de séquences spectaculaires et rythmés, où le meilleur côtoie souvent le pire donnant l’impression d’un film bicéphale, aussi fascinant que vulgaire. Aquaman est d’ailleurs un héros bâtard sans véritable nature, mi-homme, mi-poisson, ce qui en fait donc naturellement quelqu’un d’exclu, et de solitaire. Pour autant, même en étant détachés des préoccupations du peuple Atlante et de ses traditions, il lui incombe d’assumer son statut d’héritier légitime à la succession du trône et ce afin d’accomplir la prophétie qui lui est naturellement prédestiné et ainsi éviter la perte de toute l’humanité. Même si pour cela, il faudra se coltiner des répliques beauf testostéronés, et se farcir des conneries de discours écolos balancé entre une mandale dans la gueule, deux pintes de bière et un coup de pied au cul. Outre ses saillies outrancière et son humour parfois potache, Aquaman prouve s’il en est que l’océan charrie autant de trésors que de déchets. Tout l’égoût sont dans la nature, mais sous ses airs de nanar à gros budget, le film témoigne d’une belle bite au nez de poisson adressés aux studios, confirmation s’il en est que James Wan est un bon.
Si toi aussi tu ne te retrouves plus dans l’état de de déliquescence actuel de notre société et que tu considères que le monde a besoin de héros, qu'ils soient violents, gros, cons ou attardés mentaux... L’Écran Large te fera passer de zéro à héros, car il suffit d'un collant et d’un peu de matière grise pour changer de peau !