L'eau. Ses formes, ses mouvements, ses états. Des blocs de glaces arctiques et antarctiques aux parois givrées surplombant des zones aqueuses, des chutes agitées du Venezuela aux caprices d'une tempête au coeur du continent en passant par les visions illimitées du lourd remous des vagues océaniques Victor Kossakovsky filme la molécule vitale en épousant son caractère protéiforme, à la fois hypnotique, insaisissable voire même humainement indomptable.


Film-expérience empruntant énormément au cinéma documentaire ( sans pour autant s'y apparenter totalement ) Aquarela est une véritable peinture en mouvance, dont le discours partiellement institutionnel évoque les apostrophes alarmantes de films tels que le Baraka de Ron Fricke ou la trilogie des Qatsi de Godfrey Reggio. Il s'agit ainsi pour Victor Kossakovsky de montrer une Nature maîtresse, entièrement capable de reprendre ses droits en dépit des efforts fournis par l'Homme pour la contrôler et la domestiquer. Le réalisateur se débarrasse presque intégralement du verbe, reléguant l'être humain sur un plan essentiellement secondaire mais pourtant intimement lié à Mère Nature.


Malgré une entrée en matière assez rébarbative ( le film semble chercher son rythme et sa forme cinématographiques durant les 20 premières minutes, plombé par une utilisation très poussive de nappes musicales frôlant le mauvais goût ) le documentaire réussit à captiver sur la longueur, jouant admirablement de ses contours, lignes de forces et maelströms dans sa partie centrale. On songe notamment aux installations vidéo de Bill Viola ou à certains courts et longs métrages expérimentaux de Bill Morrison ( les visions resplendissantes, involutives et magmatiques du deuxième acte de Aquarela ne sont pas sans rappeler celles - abrasives, incandescentes - de Decasia ou de Light is Calling...).


Le caractère avertisseur, moralisateur du propos devient peu à peu contingent face à la beauté chiadée, cristalline des images, petit modèle des techniques cinématographiques naissantes en cette nouvelle décennie. Superbe Aquarela s'impose comme un objet de sanité visuelle totalement moderne, repoussant encore plus loin les limites de la perfectibilité scopique au gré de ses vagues et autres flux torrentiels. Élémentaire, mes chers...

stebbins
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le 6 févr. 2020

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