Araya
7.2
Araya

Documentaire de Margot Benacerraf (1959)

Impossible de ne pas penser à Robert J. Flaherty en regardant Araya, qui peut se lire comme une version vénézuélienne, orientée vers une méthode ancestrale de récolte du sel, de L'Homme d'Aran, qui était consacré aux pêcheurs et aux conditions de vie drastique sur l'île irlandaise. Même si les modes d'expression diffèrent en de nombreux points, il est vraiment frappant de retrouver des dénominateurs communs aussi forts, à 25 ans d'intervalle, à savoir la forme du poème visuel chargé d'un lyrisme expansif dédié au récit de travailleurs évoluant dans des paysages désolés.


Mais ici, point de côtes rocheuses et de bords de mer escarpés : l'horizon est constitué de terres arides et d'eaux salées dans lesquelles évoluent des hommes qui s'acharnent à extraire le seul matériau des alentours, tel un minerai précieux. À l'époque, il est d'ailleurs dit que le sel était quelque chose d'aussi précieux que d'autres métaux rares : des vestiges de forteresses espagnoles du XVIIe siècle sont là pour le rappeler. Et dans les années 50, on extrayait le sel selon un procédé qui n'avait pas varié au cours des 450 dernières années — autant dire que le travail se fait dans des conditions terribles, la peau brûlée par le soleil, les plaies ravivées par les cristaux de sel. En ce sens, Araya est un magnifique témoignage d'un mode de vie désormais révolu, en sachant que déjà l'époque de la réalisation, Margot Benacerraf se questionnait énormément sur le devenir de ces pratiques, à l'occasion d'un final montrant l'arrivée de puissantes machines thermiques comme autant de monstres insatiables à la solde d'une industrialisation menaçante.


La poésie est présente dans le choix des images, mais elle est également très marquée par les textes en voix off et la narration de José Ignacio Cabrujas. En décrivant le quotidien des hommes sur leurs montagnes de sel, sous un soleil écrasant, et sur leurs bateaux de pêche, il n'est pas interdit d'y voir une réactualisation du mythe de Sisyphe — dans lequel le rocher serait charrié dans des contenants en osier, pesé, éclaté en petits morceaux, et empaqueté. Le travail en mer évoque quant à lui, de par sa dimension ardue et répétitive, celui de la famille dans La terre tremble de Luchino Visconti croisé avec l'opiniâtreté des paysans dans L'Île nue de Kaneto Shindō. Les femmes ne sont pas en reste, loin des occupations maritimes et salées, avec la gestion de l'eau potable, la fabrication de poteries, et la récolte de crustacés. Le passage au village donne l'occasion de voir une très belle séquence au cimetière marin, sur les tombes duquel les fleurs sont remplacées par des bouquets de coquillages.


La dureté des conditions de vie alliée à la beauté des images retranscrites ici forment à elles deux un portrait aussi émouvant que magnifique.


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Morrinson
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le 18 juil. 2023

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Morrinson

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