Deux ans après Tales From the Gimli Hospital le réalisateur canadien de Winnipeg Guy Maddin réalise son second film intitulé Archangel. Un film dans lequel le réalisateur poursuit son singulier petit bonhomme de chemin en nous proposant une nouvelle fois un film qui bien que tourner en 1990 ressemble à s'y méprendre un film muet du début du siècle.
Archangel nous plonge dans un petit village écrasé par le froid et la glace durant la première guerre mondiale. Dans ce village vont se croiser un soldat unijambiste qui pense voir en une femme le fantôme de son amour décédé et un autre soldat amnésique qui voit dans cette même femme l'épouse qu'il a oublié tout juste après s'être marié avec.
On retrouve donc dans Archangel certaines thématiques du film précédent de Guy Maddin comme cet étrange triangle amoureux qui s'articule autour de souvenirs troubles et fantastiques. Visuellement le film se situe également dans l'exact continuité du précédent avec cette image en noir et blanc semblant accusée un siècle passé, des intertitres pour appuyer la narration, un tournage entièrement réalisé en studio, des effets de transparence et de superposition d'images, et surtout nous retrouvons cette ambiance visuelle si particulière et hors du temps. Les comédiens quasiment muets forcent l'expression de leurs sentiments , il faut dire que Guy Maddin dirige le plus souvent ses interpètes avec dix grandes émotions qu'il module selon les séquences, demandant lors du tournage de lui faire un six ou un neuf plus ou moins prononcés. Archangel combine une nouvelle fois poésie, mélodrame, grotesque et même cette fois-ci une touche d'horreur bien plus prononcée avec quelques séquences gore et excessives comme lorsque un père de famille pour protéger son fils étrangle un soldat avec ses propres intestins. Peut être encore plus qu'avec son premier essais Guy Maddin nous offre des images fascinantes et poétiques, le réalisateur utilisant à merveille les contre-jours brumeux, l'héritage de l'expressionnisme allemand et la puissance inhérente à toutes ses images qui devaient exprimer des émotions sans jamais rien dire par le langage. Le film n'est pas pourtant totalement muet mais cette fois encore les dialogues sont plutôt rares et ne servent qu'à clarifier légèrement une intrigue dont la narration passe essentiellement par les images, la mise en scène et l'univers de son réalisateur.
Film de guerre oblige, emprunt de l'atmosphère de début de siècle, Archangel ressemble également parfois à un vieux film de propagande montrant ici les soldats allemands comme des monstres, des vampires assoiffés de sang et des bêtes féroces. On retrouve aussi l'étrangeté poétique propre au réalisateur à l'image de ses êtres amnésiques et perdus qui recherche l'amour en utilisant une sorte d'immense carte au trésor les conduisant de symboles en symboles.
De par la radicalité de sa proposition cinématographique, mais également du fait de l'intégrité de son réalisateur, Archangel est un film qui provoquera l'adhésion ou le rejet mais qui en tout cas ne devrait pas faire dans la demi-mesure,ni laisser indifférent.