Des choses gentilles à dire sur ce film :
À mi-chemin entre le délire expérimental mal réfléchi et la parodie ratée, Arrête de ramer, t’attaques la falaise ! est, pour résumer, le Cid de Corneille vu par Michel Caputo et Jean-François Davy, respectivement réalisateur et producteur, surtout connus pour leurs carrières/incursions dans le cinéma X. C’est un détail certes, mais un détail toujours un peu croquignolet d’autant qu’on dénote dans leur filmographie un certain un amour du verbe : De la croupe aux lèvres, Blanche-Fesse et les Sept Mains, À nous les petites salopes, Sybil, tous les trous sont permis côté Caputo et Bananes mécaniques, Prenez la queue comme tout le monde et Q - Au plaisir des dames côté Davy.
Et justement, en tant qu’adaptation d’une pièce de théâtre classique, le verbe, c’est ce qu’on manie le plus dans Arrête de ramer, t’attaques la falaise. Les dialogues tiennent une part essentielle d’autant plus qu’ils soutiennent le parti pris d’inscrire et de développer la pièce dans l’époque contemporaine : les répliques brutes sorties directement de l’œuvre source déclamées avec une insistance volontairement appuyée sont violemment percutées par les aménagements argotiques, les considérations contemporaines et l’humour vulgos. Au tellement classique « Oh rage, oh désespoir, oh vieillesse ennemie »… répondent des tombereaux de « Ta barrette, je me la mets sur la pointe de mon nœud », de « Et moi je vous emmerde à la petite cuillère ! », de « Embrasse-lui les fesses, les cuisses, le minou. Fais-lui minette de ma part ».
En soi, pourquoi pas ? Les actualisations, dépoussiérages, réinterprétations et transposition de classiques existent presque depuis que la notion de classique existe. Ils étaient en tout cas répandus à l’époque de Arrête de ramer, t’attaques la falaise... avec plus ou moins de succès. En ce qui concerne ce dernier, on est clairement dans les adaptations pas très heureuses : tout est fait brutalement, sans aucune mesure, sans aucun soucis de cohérence, ni de n’importe quoi... tout le monde court, s’agite, déclame dans tous les sens dans un tourbillon aussi furieux que ridicule. Et, bon sang, c’est douloureux...
Douloureux mais... fun. Les dialogues, drôles malgré eux par leur décalage et leur outrance, y sont pour beaucoup (Vindieu ce « Ta barrette, je me la mets sur la pointe de mon nœud »), la surenchère constante des acteurs encore plus. Dominique Erlanger, Micha Bayard, Patrick Messe, Bernadette Lafont, Bernard Haller, Michel Galabru, Daniel Gélin se tirent la bourre d’une force, chacun mettant un point d’honneur à cabotiner toujours plus que l’autre. Un vrai feu d’artifice dont il est difficile de déterminer s’il est dû à une absence de direction d’acteur ou si, au contraire, il appuie la dimension pastiche et expérimentale du projet (voir les nombreuses occurrence à la scène de théâtre).
Petit bonus, le film est doté d’une musique de générique ronge-crâne absolument fabuleuse (et assortie d’un petit laïus d’introduction qui donne une bonne idée de ce à quoi on va assister) présente sur la très chouette compil’ Cocoricon 5 de Otto Rivers disponible ici : https://etendardsanglant.blogspot.com/2019/09/cocoricon-5-sos-mdr-la-compilation-en.html
Hum... ce film ne compte assez d'ingrédients pour jouer au bingo avec une grille de 36 cases, mais voilà quand-même les 10 ingrédients repérés
Personnage > Agissement
À voix haute > S’entraîne avant de... – Émotion > Pique une crise de nerf
Personnage > Interprétation
Éternuement forcé – Interprétation > Rit de manière forcée – Parle la bouche pleine
Réalisation
Ouverture ou fin > Voix off d’introduction ou de conclusion
Scénario > Blague, gag et quiproquo
Bite, chatte, cul (gag) – Ronflements
Scénario > Dialogue
À voix haute > Se parle
Thème > N’importe quoi
Accessoire > Gaspillage alimentaire
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Barème de notation :
- 1. À gerber
- 2. Déplaisir extrême et très limite sur les idées véhiculées
- 3. On s'est fait grave chier
- 4. On s'est fait chier mais quelques petits trucs sympas par-ci par-là
- 5. Bof, bof ; pas la honte mais je ne le reverrais jamais ; y'a des bons trucs mais ça ne suffit pas
- 6. J'ai aimé des trucs mais ça reste inégal ; je pourrais le revoir en me forçant un peu
- 7. J'ai passé un bon moment ; je peux le revoir sans problème
- 8. J'ai beaucoup aimé ; je peux le revoir sans problème
- 9. Gros gros plaisir de ciné
- 10. Je ne m'en lasserais jamais