Quand on cite le studio de Totoro, on l’associe principalement au nom d’Hayao Miazaki ainsi qu’à celui d’Isao Takahata, ayant tout deux été les principales têtes pensantes de Ghibli. Pourtant, il y a d’autres membres du studio qui ont été capable de faire leurs preuves, et parmi ces gens se trouvent Hiromasa Yonebayashi. Principalement engagé comme intervalliste durant sa période au studio Ghibli, c’est à partir des Contes de Terremer de Goro Miyazaki qu’il a pu travailler comme animateur avant d’enfin pouvoir réaliser son tout premier film (même si le scénario est assuré par Hayao Miyazaki).
Pourtant, Arrietty n’est pas un film des studios Ghibli qu’on retient chez nous pour son réalisateur, mais surtout pour la présence de Cécile Corbel, auteure, compositrice et interprète française et bretonne qui marque la première collaboration avec le studio d’une compositeur non japonais et qui a servi à faire la promo du film sur notre territoire lors de sa sortie, et lui a permis de rencontrer un succès aussi critique que commercial lors de sa sortie.
Et il faut bien le dire, c’est justement avec son animation ce qui fait la grande force du monde des chapardeurs et des aventures d’Arriety : l’ambiance qui se ressent tant dans le regard qu’à l’ouïe. La panoplie de couleurs comme les dimensions représentant le mode de vie des chapardeurs apportent un énorme sentiment d’apaisement à chaque plan tout comme ces plans et le travail d’échelle effectués apportent un énorme contraste quand à la condition de vie des chapardeurs présenté comme une espèce en voie d’extinction (mais pas dénué d’intelligence) et l’homme comme une menace potentiel mais jamais totalement confirmé et dont le point de vue varie selon les membres de la famille d’Arrietty.
Celle d’Arrietty étant la principale prise en compte et la jeune adolescente suivant aussi bien les codes du studio qu’elle se révèle très attachante (et encore une fois, Adeline Chetail fait un excellent travail de doublage), elle comme le jeune humain Shô (très agréable doublé par Thomas Sagols dans la VF) pourtant bien plus affaiblie sur le plan physique malgré sa supériorité apparente par rapport à la jeune chapardeuse.
Même dans la mise en scène on peut apercevoir cette forme de progression dans le contact qui se tisse entre la chapardeuse et le jeune garçon : leur premier dialogue étant séparé par la fenêtre de la chambre de Shô avec le bon choix des mots pour ce premier échange, attendant quand même un peu plus d’une heure avant un face à face franc et direct le tout coupé des tentatives de Shô d’établir une relation avec la jeune adolescente à l’état lilliputienne. Chaque étape prend sens lorsque l’un tente de communiquer et de comprendre l’autre au travers d’actes qui sont autrement traduisible pour la famille de la jeune chapardeuse.
Malgré tout, le film de Yonebayashi pâtit quand même de davantage d’imperfections que les œuvres du maestro de l’animation japonaise. Au point de créer dans la dernière demi-heure une sous-intrigue artificielle et moyennement introduite
avec le personnage d’Haru, la tante de Shô, qui semble bien au courant de l’existence de ces petits êtres humains (comment en a-t-elle autant la conviction ? J’en ais aucune idée sachant que la seule piste qu’on ait est une histoire de la mère de Shô sur la maison ou il est hébergé avec son opération)
et qui aboutit finalement sur quasiment rien au final sauf montrer l'ingéniosité dont fait preuve la chapardeuse. La mère d’Arrietty ayant toujours aussi peur des humains à la fin de cet arc et le départ de la petite famille étant toujours programmée, la mère de Shô apprenant tout juste leur existence après la tante mais sans les voir (et là encore ça n’apporte pas grand-chose au récit). Rien de vraiment gênant ou de fâcheux même si il y avait une direction plus judicieuse à prendre que de créer un antagoniste qui n’a pas vraiment de raison d’en être un.
Car malgré sa volonté d'être une oeuvre plus mineure et nettement plus reposant que d'autres productions du studio de Totoro, Yonebayashi n'en oublie pas de traiter du thème de l'extinction d'une espèce au travers des échanges entre Shô et Arrietty et des conditions plus ou moins limpide sur leur espèce, sa famille et Spiller étant les seuls chapardeurs vu de tout le film, les autres étant uniquement évoqué.
Et bien sur, impossible d’évoquer l’ambiance de ce Ghibli d’une manière générale sans s’attarder sur la musique de Cécile Corbel justement ! L’interprète ayant déjà une voix extrêmement mélodieuse, mais les morceaux à la harpe et à l’instrumentation naturellement bretonne donnant un cachet très harmonique au film. Film qui a compris comment utiliser la musique sur le bout des doigts et quand s’en passer pour entrer dans l’intimité des personnages (les scènes de contemplations et de méditation d’Arrietty dans sa chambre).
Si ça n’est pas l’un des meilleurs films du studio Ghibli, il n’en reste pas moins une production animée très agréable et accessible à tout public. Contrairement aux derniers Ghibli qui se sont fait plus discret auprès du public, celui-ci a acquis une très sympathique notoriété auprès du public et des fans du studio et a le mérite de proposer une très bonne chimie entre un film de détente tout en restant fidèle aux coutumes de Ghibli et à leurs messages habituels. Ce qui n’empêchera pas Yonebayashi de se distinguer davantage, à son tour, d’ici quelques années... et peut être aussi en 2018 pour son troisième long-métrage avec Mary et la fleur de la sorcière.