C'est grave, docteur? Pourrait-on se demander en regardant Arythmie, le film de Boris Khlebnikov, qui raconte un médecin urgentiste. Il mène une “bagarre” dans une ville russe au sein d'un hôpital et de la division des urgences qui semble souffrir aussi d’arythmie: “perturbation du rythme, de la fréquence, de la régularité” le service auquel est confronté Oleg, jeune médecin.
Ces équipes, ces médecins “tout terrain” sont confrontés en permanence au plus profond d'une société dans ses attentes, ses désespoirs, ses souffrances. Métaphore peut-être de cette société russe qui défile devant nous par le filtre d'une équipe médicale, toujours sur le qui-vive. Ils se débrouillent comme on peut, y compris pour réguler la circulation ou nettoyer l'ambulance, malgré les difficultés avec les permanents de l'hôpital ou ce nouveau directeur, qui ne voit pas des malades mais des statistiques censées représenter l'activité et la performance. En conformité avec les nouvelles directives du ministère! “L'humain” semble lui échapper ou plutôt il ne veut pas en entendre parler, pourvu qu'il n'y ait pas de vagues!
Les médecins manifestent leur désaccord, le directeur n'en a cure. Oleg (Alexander Yatsenko), le taiseux, ne dit rien mais il fait ce qu'il estime devoir faire et dépasse les 20 minutes pour chaque patient, exigés par le nouveau règlement.
Il est toujours sur le terrain, et il boit pour tenir, avec les collègues, avec les copains. Sa copine Katya (Irina Gorbacheva), également médecin, n'en peut plus de cette vie et veut divorcer. Là aussi les troubles de l’arythmie semblent s'étendre à son couple. Quelques images saisissantes dans la cité qui rappelle la période soviétique, avec plus de voitures... et le désarroi de ce jeune urgentiste, trop engagé dans son boulot pour pouvoir correspondre à ce qu'on attend de lui.
Ce personnage qui paraissait falot au début du film va nous donner à voir toute sa “bagarre” sans trop de mots, mais avec acharnement, pas mal d'alcool et surtout une volonté que seule la crainte de perdre Katya le fera perdre pied.
On sort à la fois abasourdi par ce milieu dur et maltraitant et en même temps souriant avec empathie pour la bagarre qu'il entend mener sans craindre les conséquences de la hiérarchie violente y compris physiquement. Et on peut dire que sa bataille pour Katya fait partie de cette détermination.
Quant aux conditions de travail de ces équipes des urgences, si on y a été un peu confrontés dans nos contrées, on n'en est pas beaucoup plus avancé qu'en Russie... tellement ce film nous apprend à regarder l'arythmie ambiante!
https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/210818/arythmie-ou-le-trouble-russe