"You said it wasn't an accident, You said it wasn't suicide, check. You said it was murder... check.

Je me rends compte que je n'ai que je n'ai jamais écrit encore sur l'un des réalisateurs qui a bousculé ma cinéphile il y a plusieurs années. Pourtant j'en ai eu des occasions, j'aurais pu écrire tellement de lignes sur l'extraordinaire Sunset Boulevard, j'aurais pu me laisser aller à de nombreux poèmes à la gloire de Jack Lemon pour sa prestation magistrale dans La garçonnière. J'aurais sans doute pu développer une vague de commentaires dithyrambiques sur le gouffre des chimères et le cynisme hallucinant d'un Kirk Douglas en transe.


Mais je n'en ferai rien, je vais plutôt me diriger doucement mais sûrement vers le premier film majeur du maître, un vrai cas d'école. Une histoire qui avait tout du gigantesque casse gueule sur le papier à l'époque où Hollywood préférait la légèreté d'un Cary Grant aux grimaces irrésistibles aux scénarios puisant dans la noirceur l'être humain.


Mais comme souvent dans ces circonstances, c'est son lot de petites histoires, d'anecdotes, de décisions qui ont transformé un récit qui aurait pu aisément tomber dans l'oubli en œuvre ultime du septième art. En commençant par l'écriture, si le résultat final est une merveille entre des dialogues d'une richesse et d'une qualité rare et cette narration à la première personne inoubliable. Il faut savoir que la collaboration entre un Wilder déconneur, excentrique adepte de la boisson et un Chandleur extraverti, vieux jeu et ancien alcoolique a été relativement compliqué, l'ambiance fut particulièrement éprouvante et laissera des souvenirs aigris aux deux hommes. Même chose pour le casting, quelle idée de génie d'être allé chercher Barbara Stanwick muse de Capra qui en un regard exprime tellement plus de choses qu'une Jennifer Lawrence et ses milles et unes mimiques. Quelle chance que Georges Raft qui a du nez durant les années 40 refuse successivement les rôles principaux du Faucon Maltais, High Sierra et Casablanca pour enfin décliner celui qui nous intéresse et laisse donc la place au grand Fred MacMurray pour laisser parler son talent.
Quel bonheur de voir Edward G Robinson habitué au rôle de gangsters déblatérer des monologues interminables avec une aura de Sherlock Holmes des grands soirs.


En réalité peu importe toutes ces petites histoires, Double Indemnity est un monstre, une œuvre monumentale précurseur du genre qui utilisera les fondations du cinema d'Hitchock pour y lancer un nouveau genre au cinema. Celui des complots, femmes fatales, trahisons, meurtres qui ne cessera d'être imité sans être véritablement égalé sauf par les prodiges que sont Kurosawa ou Lumet. En utilisant avec une perfection les faiblesses et vices des hommes, en enrobant le tout de jeu d'ombres et de lumières fascinants, en décorant le tout d'un soupçon d'amitiés sincères et de scènes très touchantes sans le moindre excès, Wilder peut évacuer la frustration du scénariste pour faire parler le grand réalisateur qui se dissimulait depuis très longtemps.


"J'ai fait tout ça pour une femme et l'argent, au final je n'ai ni l'argent ni la femme" disait lors d'une confession sincère notre bon vieux Fred, une phrase qui résonne et résume à elle seule le symbole de son récit et le futur du genre. Regardez Double Indemnity, revoyez le, puis regardez le nouveau, et relancez le, savourez les silences, les mouvements, la symphonie chorégraphiée qui se dessine sous nos yeux. Merci le cinema, merci Billy.

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