En plus de 50 ans d’exploitation du gaulois le plus célèbre de France au cinéma, crée par Goscinny et Uderzo, jamais aucun film de la franchise ne s’était permis de ne reprendre que l’univers d’Astérix pour ensuite en faire un film qui ne soit rattaché officiellement à aucune des BD qui composent son histoire à l'exception des Douze travaux d'Astérix. Fort du succès de sa première expérience avec les irréductibles gaulois en 2014 par l’adaptation du Domaine des Dieux (que j’ai bien apprécié, et que j’apprécie toujours), Alexandre Astier se l’est permis après avoir eu l’aval d’Uderzo et comme on ne change pas une formule qui marche, Louis Clichy revient lui aussi.
Il y a une équipe prometteuse, et même la bonne idée pour livrer un film « original » gagnant en faisant questionner Panoramix sur sa responsabilité concernant le secret de la potion magique, à la fois la défense ultime du village mais qui peut tout aussi bien être nocive et destructrice entre des mains dangereuses, inconscientes ou non averties.
Malgré cette bonne volonté, il ne faudra pas attendre plus de 5 minutes pour voir les deux principaux obstacles qui freineront ce film sur toute sa durée : la première est cette vilaine manie ô combien répété de caler le récit sur un rythme vif pour contenir l’attention des plus jeunes spectateurs, que ça soit les bons ou mauvais films d’animations modernes outre-Atlantique. Et à force de garder cette même allure, Astier et Clichy en oublient de développer une ambiance et ses enjeux qui doivent donner du poids à la quête de Panoramix.
Et pas mal de scènes démontrent très bien ce souci : tout d’abord la scène de la bande-annonce ou Panoramix se questionne justement sur le choix de confier son secret à un successeur. Le travail sur les textures est nickel, l’éclairage approprié et le propos fort en soit mais la scène doit durer à peine plus d’une minute et quelques, et elle se retrouve en plus entrecoupé du gag d’Agecanonix malentendant qui retransmet mal ce qu’il entend au reste du village gaulois (même si, j’avoue, le gag m’a fait rire sur sa fin car bien exploité).
Une autre scène pourrait être celui de l’introduction du grand vilain du film,
Sulfurix, un druide déchu rejeté par le cercle des druides de la forêt des Carnutes après qu’il se soit tourné vers la magie noire.
Ses motivations n’ont rien d’original mais cela est suffisamment bien contrebalancé par ses répliques en terme d’humour et reste justifié au vu de la situation. Mais là encore, même souci : si sa première apparition très brève est correctement faite, sa présentation générale n’arrive pas à se poser et la volonté d’en faire un antagoniste sérieux n’atteint jamais des proportions suffisamment élevés pour représenter une menace complète.
A titre de comparaison, Prolix dans Astérix : le coup du menhir avait beau n’être qu’un charlatan de devin, Philipe Grimond prenait suffisamment de temps pour susciter la menace dés sa première apparition et jouer avec le décor, le montrer comme un manipulateur pouvant facilement exploiter la crédulité des gaulois dans la situation ou ils sont les plus vulnérables par la peur et la superstition. Dans le cas de Sulfurix,
si on le voit bien user de sa bonne parole pour manipuler Télégrafix,
on n’a pas le temps de ressentir sa menace puisque ce film-ci ne se pose jamais suffisamment et privilégie l’humour la majorité du temps à l’atmosphère et à d’autres émotions qui auraient eu toute leurs places ici y compris dans le climax (là encore, prometteur sur le papier, mais à l’exécution qui ne va pas au bout de son potentiel).
D’ailleurs, la comédie est l’autre grosse faiblesse de ce film, en particulier lorsqu’Astier veut mixer son humour moderne à celui de la BD. Pour faire simple : lorsque le film se repose sur ses gags visuels, ça marche plutôt bien la plupart du temps et l’effet de surprise ainsi que la logique dans cet univers sont bel et bien présent
(et j’ai éclaté de rire en voyant les hommes du village gaulois arriver au village en étant porté par les poulets qui ont bu ce qui restait de la gourde d’Astérix).
Mais lorsqu’Alexandre Astier veut incorporer son humour à l’univers de la BD, Astérix : Le secret de la potion magique a beaucoup de mal à vraiment convaincre tant il inverse le sens de la référence intemporelle de la BD avec les références modernes qu’il place ici (point qui m’avait déjà énormément accablé avec Astérix et les vikings). Et je pense qu’il craque clairement le slip lors de la quête d’un héritier à travers la Gaule raconté en dessin en 2D ou les noms des druides rencontrés vont si souvent dans l’absurde pour une rime en ix que ça sert à excuser n’importe quoi juste pour la référence certes passagères mais qui sort du film tant elle est criarde et trop grosse pour ne pas la voir (Les quatre fantastix et Netflix par exemple... je ne ferais pas de commentaire, et ce sans parler des trompettes romaines qui rejouent le thème principal de la série Kaamelott avant l’ultime assaut… même Conrad et Ferri qui ont repris le flambeau des BD n’étaient pas aussi tape à l’œil quand certains noms était raccordé à notre époque).
Dans le premier je l’acceptais car à côté il y avait la fraîcheur du style graphique et ça n’empiétait pas autant que ça sur la qualité du récit. Dans le cas présent, le mélange n’arrive pas à être suffisamment pertinent ou en accord avec la comédie de la BD lors de ses bons jours pour convaincre le plus grand monde, seule la jeune génération actuelle sera certaine de pleinement en rire (encore que j’ai été diverti et même amusé lors des deux utilisations de You Spin me Round de Dead or Alive car approprié avec les images et le montage).
Et de ces deux grands problèmes, pas mal d’autres soucis en découlent, principalement les nouvelles têtes qui ne convainquent pas et sont inexploité pour certains. A l’image de l’enfant du village gaulois, Pectine, qui part d’une bonne intention mais est trop creuse pour marquer les esprits comme la famille du Domaine des Dieux. Mais surtout le rôle d’Astérix et Obélix au profit de Panoramix qui, même si il y a un sens totalement cohérent à ce qu’il soit sur le devant de la scène, n’ont presque aucune influence sur le récit sauf à deux occasions
(le sauvetage de Panoramix dans la forêt des Carnutes et l’autre sauvetage dans le climax)
, ce qui est quand même une hérésie quand on compare avec les autres films de la licence ou les BD sous l’ère Uderzo/Goscinny et Conrad/Ferri.
Bon je ne vais pas non plus jouer les grands méchants, parce qu’il faut le dire : Astérix : Le secret de la potion magique n’a rien de détestable ou de honteux et reste largement plus viable et sain que les bousins américains que les studios d'animation du style Illumination, Sony ou Dreamworks nous pondent dernièrement. Il y a toujours un travail graphique très respectueux et admirable de la bande-dessinée de Goscinny et Uderzo, un doublage maîtrisé y compris pour Christian Clavier qui reprend plutôt bien le rôle d’Astérix sans égaler Roger Carel, des gags visuelles efficaces et un postulat de départ pleine de promesse à l’origine qui permet, par moment, de soulever de bonnes questions sur cet univers en voulant y apporter quelque chose de plus.
Mais ce film symbolise les problèmes modernes de l’animation grand public avec son rythme trop vif et rarement assez posé, un humour confondant trop souvent l’intemporalité qui fait la force de la bande-dessinée et les références modernes, des nouvelles têtes qui ne font pas l’unanimité et surtout l’erreur fatal de rendre Obélix et Astérix presque complètement transparent, et quand tu sais que tu as le nom de l’un d’eux pour ce film, c’est un comble quand même.