Phase I enclenchée
C'est pas vilain mais c'est pas grandiose non plus. Le début est très mou, au point d'être tenté de couper le film et se faire un petit "Jacquie et Michel". Mais si on persévère, ça finit par se...
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le 7 déc. 2020
Depuis un bon moment, l'addition des mots "adolescent" et "extraterrestre" comme point de départ d'une histoire d'un film ou d'une série US a 90% de chances de déboucher sur un teen-soap dégoulinant de guimauve (coucou à peu près toutes les séries du genre sur CW !) ou sur une fausse promesse de grand spectacle young adult (coucou "La Cinquième Vague", "Les Âmes Vagabondes" & co !). Dans les 10% restants, Il y a heureusement des bonnes surprises qui viennent nous faire oublier la masse de ces échecs gluants de bons sentiments mais la méfiance règne désormais plus que l'enthousiasme devant la juxtaposition de ces deux termes. Porté par la fraîcheur agréable d'un vent canadien, "At First Light" réussit à s'inscrire à la limite de ces deux pourcentages en représentant une vraie bouffée d'oxygène face à ces cousins américains aseptisés sans toutefois être suffisamment consistant pour s'imposer comme une nouvelle référence...
Dans une situation plus que précaire, Sean élève son jeune frère dans l'appartement de leur grand-mère paralysée. Un soir, pour oublier ses soucis, l'adolescent se rend à une fête où il croise Alex, un amour d'enfance jamais vraiment éteint. Alors que leur discussion tourne court, Sean préfère s'éclipser pendant qu'Alex et son petit ami partent se baigner dans un lac à proximité. Là-bas, sous l'effet d'une drogue la jeune fille disparaît sous l'eau mais, grâce à l'intervention d'une étrange lumière, on la retrouve quelques instants plus tard en train de déambuler, hagarde, au milieu de la route...
On n'attendait pas forcément grand chose de la part de Jason Stone depuis l'oubliable thriller "The Calling" avec Susan Sarandon mais c'est pourtant bel et bien son intelligence de traitement d'un sujet SF aux contours connus qui va permettre "At First Light" d'avoir une approche plus singulière qu'à l'accoutumée.
Après un prologue posant sa nature SF par l'intermédiaire du personnage de Saïd Taghmaoui, le film opte rapidement pour le ton brut de la chronique sociale indé avec l'immersion dans la tristesse du quotidien de Sean et son jeune frère. Alors, oui, Jason Stone en fait sans doute un peu trop pour démontrer la dureté de leur existence (les infos en ce sens s'accumulent vite) mais, un peu comme ses héros tentent de survivre dans le dénuement, il réussit à transformer le problème d'un budget que l'on imagine maigre en une véritable force et ainsi poser un contexte réaliste grâce à ces présentations simples et directes. Ici, point de problèmes caricaturaux adolescents auxquels les personnages de ce genre de film nous ont trop souvent habitués avant qu'un problème SF leur tombe sur le coin de la tête, non, seulement la dure réalité d'un adolescent qui tente de survivre avec un poids de responsabilités beaucoup trop imposant pour ses frêles épaules.
D'emblée, avec cette vision typique d'un cinéma indé misant avant tout sur sa proximité avec le réel, "At First Light" s'accole à lui le sentiment d'un univers et de personnages crédibles qui ne le quittera plus. Même quand le film va mettre en avant des préoccupations plus sentimentales comme lors des retrouvailles entre Sean et Alex, il va s'en dégager une fragilité bien plus touchante qu'à l'accoutumée. Bref, Jason Stone a choisi de jouer la carte du "vrai" et ça réussit diablement bien à donner de l'envergure à son long-métrage !
Lorsque la donne SF provoquée par la condition d'Alex arrive dans l'équation, cette approche va encore porter ses fruits ! "At First Light" va bien entendu réserver son lot de péripéties et de phénomènes étranges incontournables d'une telle intrigue mais son ancrage dans la réalité va se révéler si fort qu'il parviendra à en exacerber à chaque fois un peu plus leur caractère extraordinaire devant des personnages qui n'attendaient déjà plus rien de leurs existences. Toujours habile pour contourner le problème d'un manque de moyens par son inventivité, Jason Stone impose une ambiance réellement pesante en faisant d'Alex une bombe à retardement dont on ne connait pas la finalité et de "ceux" ayant provoqué ce trouble chez la jeune fille une puissance supérieure dont on ne sait rien des intentions. Le réalisateur nous fait d'ailleurs bien comprendre la nature de leur présence omnisciente dans le film grâce à des jeux aériens de lumières et de sons finalement tout simples mais toujours efficaces pour jouer avec notre fascination constante de spectateur devant la présence d'une potentielle puissance supérieure. De même, pour tout ce qui entoure Alex et la compréhension de sa nature, le film parviendra à conserver un degré de mystère et un côté imprévisible autour d'elle jusqu'à son terme et ce même si la finalité de toute cette histoire va être globalement être le gros point noir de "At First Light"...
Entendons-nous bien, les partis pris de Jason Stone offrent à l'intrigue une intensité dramatique aussi prenante qu'inattendue mais est-elle suffisante pour nous faire oublier des directions scénaristiques très attendues ? On sera hélas très tenté de répondre par la négative tant "At First Light" offre un récit de SF très convenu malgré tous les efforts de son réalisateur pour y apporter une vision alternative inédite.
Certes, le film s'emploiera à vouloir démontrer sa pertinence à travers des sous-textes loin d'être idiots envers une certaine Amerique ultra-conservatrice : la folie anti-migrants de Trump est clairement pointée du doigt (celui-ci est directement évoqué par l'intermédiaire d'un reportage TV et les autorités optent pour une politique de répression devant ce problème "alien" qu'elles ont elles-mêmes provoqué) et comment ne pas voir dans le rapprochement physique littéralement destructeur entre Sean et Alex, deux classes sociales tellement opposées que leur réunion en devient de facto interdite et, même plus largement, deux adolescents qui tentent de s'unir au-delà de l'abstinence dans lequel un monde adulte cherche à les conditionner ?
Mais, arrivé à son dénouement, pas sûr que ces thématiques, aussi passionnantes soient-elles, et les efforts déployés par Jason Stone suffisent totalement à transcender les tenants et aboutissants SF beaucoup trop classiques de "At First Light".
Néanmoins, si vous êtes fatigués des films US de ce genre qui n'ont en majorité plus grand chose à proposer, cet exemple d'équivalent canadien prouve qu'avec un metteur en scène ambitieux, un casting convaincant et une volonté affirmée d'apporter un peu de fond à ce type d'histoire, il est possible d'aboutir sur un résultat qui a toutes les chances de faire le job le temps de son visionnage. Hélas trop victime de son propre déroulement balisé pour prétendre au titre d'OFNI qu'il aurait pu ironiquement être en matière de films SF adolescents, "At First Light" ne restera sans doute pas dans les mémoires mais il vous offrira assez de lumière(s) si l'envie vous vient de lui laisser sa chance...
Créée
le 30 juin 2019
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J'attendais tout de même un peu plus de ce At first light. Le début m'a donné des raisons d'y croire, commençant comme une chronique adolescente de la précarité des quartiers pauvres, il y a un...
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