C'est presque ironique de commencer la filmographie de Duvivier par ce film marquant la fin de sa période muet et qui dépeint lui-même le déclin des petits commerces.
Le point fort de cette adaptation est incontestablement l'utilisation des Galeries Lafayette utilisées comme un superbe écrin bien exploité pour illustrer une foule grouillante venue admirer, palper et surtout consommer les multiples trésors que renferme ce Temple de la Tentation. Les scènes de dialogues entre Jouve et Mouret surplombant le mythique escalier avec cette fresque animée en arrière-plan dégagent un cachet qui fait assurément son effet.
Néanmoins j'étais plutôt déçu que Duvivier n'exploite pas pleinement le matériau d'origine de Zola en préférant se concentrer sur les "amourettes" de Denise plutôt que d'aborder pleinement le combat de David contre Golliath qui s'opère entre les deux commerces. D'un côté cet éclairage lui permet d'effleurer le rapport de domination hiérarchique qui met un peu à mal la gent féminine, mais de l'autre ce manque se fait immanquablement ressentir.
Malgré tout, l'acte final, particulièrement bien réalisé, parvient presque à compenser cette quasi-absence d'opposition idéologique, en s'attardant sur les prémisses de l'acte désespéré sur le point d'être commis. Son montage nerveux, presque stroboscopique, met magistralement bien en lumière la violence de l'anéantissement d'un homme écrasé par le système. Court et efficace.
La version restaurée que j'ai eu l'occasion de voir était accompagnée d'une orchestration du Canadien Gabriel Thibaudeau qui a plutôt gêné mon visionnage. L'intensité de la musique doublait parfois celle de l'image, au point de provoquer un décalage qui faisait presque tache. Même s'il y a quelques "alignements des astres" qui sont parvenus à faire mouche, je garde une sensation étrange d'écrasement qui semblait travestir certaines intentions de Duvivier...