Une équipe de TV japonaise est en Ouzbékistan pour tourner une émission documentaire. La présentatrice, Yoko, n’est pas au mieux dans cette ambiance très roots, d’autant que l’attitude assez peu bienveillante de ses collègues n’aide pas…


2013 : Sortie de Seventh Code, dans lequel Atsuko Maeda (ex-AKB48) jouait un personnage devant se rendre à Vladivostok.


Cinq ans plus tard sortait donc ce Au Bout du monde, dans lequel on retrouve… Atsuko Maeda bourlinguant cette fois-ci du côté de Tachkent.


Évidemment, on peut être tenté de dire que le premier film faisait office de brouillon pour le second. Mais en fait rien de tel, puisque Au bout du monde a été créé pour commémorer le 25e anniversaire des relations diplomatiques entre le Japon et L’Ouzbékistan. Origine totalement improbable donc, d’autant qu’on est dans une histoire qui s’écarte des habituels thèmes de Kurosawa. Point de fantômes ou de virus ici, juste une quête intérieure et une compréhension de l’altérité. Et franchement, c’est totalement réussi.


D’abord, parce que nuancé. Les Ousbeks ne sont pas présentés comme des rednecks d’Asie centrale. Certes, une certaine lourdeur s’en dégage (le sans-gêne, la rude misogynie d’un pêcheur, les regards curieux pas vraiment discrets sur Yoko, la scène de l’escroquerie avec la chèvre…), et l’on est un peu inquiet quand on voit la présentatrice kawai s’aventurer seule dans des rues sordides où des mâles se retournent à son passage. On se dit que ça va mal se passer, qu’elle est bien imprudente, que tout cela va finir en viol collectif. Mais en fait, au fur et à mesure qu’avance l’histoire, on s’aperçoit qu’il se dégage surtout une certaine bienveillance à son égard, sentiment que l’on n’observe guère du côté de ses collègues japonais, comme en témoigne la terrible scène (vraiment, j’ai failli vomir) dans laquelle Yoko, pour les besoins du documentaire, doit monter dans un manège à sensations. Ce qui compte alors, c’est de savoir si les prises ont été réussies, la santé de la présentatrice (qui n’a rien d’une star, on le comprend très vite) étant secondaire.


Mais pour cela aussi, Kurosawa finit par nuancer, les trois hommes de l’équipe de tournage n’étant pas forcément de mauvais bougres, même si le personnage joué par Shota Sometani reste assez antipathique. Sinon, entre les Ousbeks et les Japonais se trouve un traducteur local, Temur, jeune homme admiratif du Japon, des Japonais, et qui, par son humanité, aidera Yoko à sortir de ses déceptions (l’épisode de la chèvre) ou de ses déconvenues (la poursuite avec la police dans Tachkent), et à comprendre combien ses angoisses étaient fausses et parasitaient sa perception du pays et des gens.


À cela Kurosawa ajoute une autre intrigue, celle concernant la liaison amoureuse entre Yoko et un petit ami laissé à Tokyo, liaison qui connaîtra un violent rebondissement dans une atmosphère de fin du monde. C’est un autre point commun avec Seventh Code, et d’ailleurs, en y réfléchissant bien, on peut y trouver un autre, celui de ménager une scène chantée. Eh oui, que voulez-vous, une ex-AKB48, ça ne se refuse pas ! C’est un peu saisissant au début, presque gênant, mais finalement, la scène (enfin, les deux scènes précisément) tient la route et peut être mis en lien avec le final d’un autre film sur le doute et la perte des repères, Tokyo Sonata. Dans les deux cas, les deux scènes fonctionnent comme une parenthèse quasi magique, appartenant à un autre monde préservé des menaces du monde réel, c’est-à-dire de l’habituel univers kurosawaesque où pullulent fantômes, virus et autres serial killers.


Une belle découverte pour ce premier long métrage de Kurosawa tourné en-dehors du Japon. Le film fait deux heures mais, avec les différentes approches que ménage Kurosawa (auxquels il faut ajouter tout bêtement un certain plaisir de carte postale, avec de beaux paysage et la découverte de certains quartiers de Tachkent), ce sont deux heures très prenantes. Un Korosawa atypique et très recommandable, même auprès de ceux qui seraient hermétiques à ses autres films.

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