Pourquoi un géant de cinéma comme Clint Eastwood, aurait-il obligation de ne réaliser que des chefs d'œuvres ? Pourquoi quand son cinéma s'avère « juste », beau et émouvant, celui-ci devient immédiatement « mineur » ?
Hereafter serait donc une œuvre mineure dans l'immense filmographie d'Eastwood. Pourtant, par le traitement de son sujet, par le message qu'il véhicule et par la qualité incroyable de sa mise en scène, cette œuvre mineure écrase à elle seule la plupart des mélodrames qui sont sortis au cinéma depuis ..... ben depuis Sur la Route de Madison justement !
Avec comme point de départ, la catastrophe du Tsunami indonésien (filmée d'une manière totalement ahurissante), Clint Eastwood décide de raconter de façon très classique (comme à son habitude) le chemin et le destin de 3 personnages ayant tous, directement ou indirectement, un lien avec la mort et l'au-delà. Il y a d'abord cette richissime et célèbre journaliste de France Télévision qui boit la tasse, meurt puis revient du royaume des morts avec des images de l'au-delà plein la tête. Il y a ensuite Marcus, enfant désœuvré de la banlieue anglaise qui perd son frère jumeau dans un accident tragique. Et puis il y a George, le médium à la retraite qui considère son don comme une malédiction et qui se demande comme on peut bien vivre quand on a de cesse de côtoyer les morts. Chacun à leurs manières, ces personnages réagissent différemment face à la mort. Et c'est précisément dans leurs quêtes respectives qu'Eastwood trouve matière à émouvoir et à proposer une réflexion sincère et profonde sur la mort, le deuil et plus globalement sur les relations humaines. Alors que la journaliste essaie de comprendre et faire partager ce qu'elle a vue de l'au-delà, Marcus n'arrive pas à faire le deuil de son frère et essaie par tous les moyens de rentrer en contact avec lui tandis que George tente d'oublier son don pour retrouver une vie normale faite d'amour et de contacts humains. Par conséquent, Hereafter est moins un film fantastique qu'un drame humain qui questionne autant sur le lacher prise, l'acceptation de la mort et du mystère qui l'entoure que sur la nécessité qu'on les hommes à vivre
ensemble ; tout simplement.
Et pour étayer son propos, Clint fait montre d'une une finesse incroyable. Jamais larmoyant ou mièvre, Clint utilise l'image et sa mise en mise pour faire comprendre au spectateur ce que d'autres auraient lourdement appuyé par des dialogues pompeux.
En résultent des scènes toutes sauf mineures, comme cette séquence tout simplement MAGNIFIQUE où Matt Damon et Bryce Dallas Howard s'amusent à un Blind test culinaire lors d'un cours de cuisine Italienne. Toute sauf mineure, cette scène transpire la sensualité et l'érotisme, à tel point que, même son visage à demi caché derrière un masque noir, Bryce Dallas Howard n'aura jamais été aussi belle et désirante au cinéma. Mais au-delà de son aspect envoûtant, que nous montre cette séquence si ce n'est deux personnages blessés en quête d'amour et qui ne sont capables d'avouer leurs sentiments respectifs que dans le noir, caché du regard de l'autre derrière un masque ?
Des métaphores il y en a d'autres dans Hereafter et elles ont toutes un sens et viennent toujours appuyer la psychologie des personnages ou la complexité des relations qui les lient au reste du monde. Qu'y a t-il de plus poétique que de confondre le personnage du médium interprété par Damon avec celui de Charles Dickens, le génial romancier Anglais dont les rêves étaient hantés par les fantômes de ses personnages ?
http://www.dickensmuseum.com/vtour/firstfloor/study/images/thumb/dickensdream.jpg
Maintenant, par la multiplicité des lieux qu'il investit et des intrigues qu'il développe, Eastwood semble avoir un peu de mal à maintenir le rythme de son récit. Peut être n'est-ce dû qu'à l'intérêt et à l'attachement que le spectateur porte à tel ou tel personnage plutôt qu'à un autre, mais au final, on se retrouve à hiérarchiser les histoires et malheureusement, à comparer les acteurs qui les composent. Et là, je dois dire que face au jeu touchant de Matt Damon et Bryce Dallas Howard, des frères McLaren et de leur mère (dont j'ai oublié le nom d'actrice), le couple Thierry Neuvic et Cecile de France fait pâle figure. On se retrouve donc avec des séquences Parisiennes véritablement pénibles (honteuses ?), non pas à cause de la mise en scène d'Eastwood (même avec Clint à la réalisation, les passages Parisiens sonnent toujours faux) mais bien à cause de ces acteurs Français qui récitent leurs textes comme au théâtre et qui conférent aux séquences Made In France, les allures d'une comédie dramatique bobo des plus énervante.(nan et puis Mylène Jampanoï en journaliste de France 2 c'est juste pas possible quoi !)
Evidemment, ces quelques défauts ne viendront pas émailler la grandeur de cette œuvre émouvante et intime (il en faut plus pour foutre en l'air un film de Clint quand même) et on pardonnera bien vites à nos acteurs Franchouillards leurs faiblesses pour applaudir une nouvelle fois le cinéma d'un des derniers géants du cinéma Américain.