Décidément, Jia Zhangke sait y faire quand il s'agit de parler du temps qui passe. Le film commence d'une manière si joyeuse en 1999, là où tout est plus facile pour les personnages, ils sont jeunes, ils ont toute la vie devant eux. Classique, mais montré de manière singulière, la joie et l'insouciance de la jeunesse se traduit par de simples moments, de simples actions, manger dans la même assiette, blaguer sur la nouvelle voiture de son pote. Pour autant, Jia Zhangke ne fantasme pas sa vision du passé, les personnages vivent des tourments, problèmes d'argents ou triangles amoureux injustes, il y avait déjà ça avant... À noter également que toute cette partie est filmée en quasi-intégralité en 4:3 un format que semble affectionner le réalisateur, mais qui ici à une place plus intéressante que dans les éternels. Le 4:3 restreint le regard des spectateurs, quand on est jeune, on ne voit pas plus loin que son museau. Et puis le 4:3, c'est le format du passé. Dans sa 1ʳᵉ partie, il est clairement question de ça, du passé.
Dans la seconde, c'est le présent (2015, date de sortie du film), les personnages se sont séparés, ils ne sont plus amis/en couple, ils ne vivent plus aux mêmes endroits, ils ont des problèmes. Ils sont adultes, l'un à cause d'un cancer doit revenir dans son village natal, mais c'est plus pareil, sa maison a changé, le village aussi. L'héroïne doit s'occuper de son enfant une semaine et gérer son deuil en même temps. L'enfant ne parle presque plus chinois, il vit à l'étranger. Les traditions se perdent. Tout au long de cette seconde partie, les personnages sont mis à l'épreuve du temps, vont-ils survirent au temps ? Tout est filmé en plan large, les personnages ont ouvert leurs horizons, mais pas forcément comme ils l'auraient voulu.
Enfin la 3ᵉ partie, c'est le futur, on est en 2025, tout le monde a bien vieilli, la Chine s'est modernisée, mais bon la Chine, c'est pas le bon plan, pour bien vivre, il faut aller à l'étranger. Tous les personnages que l'on aperçoit dans cette partie sont chinois, mais parlent anglais, le temps est passé par là, dans cette partie, il n'est plus question de savoir si on va survivre, la question est de savoir ce que le temps a épargné. Les musiques cantonaises, les noms chinois traditionnels etc…
La famille aussi, elle n'a pas résisté au temps, le gosse ne parle plus avec son père, ils ne parlent pas la même langue, le père ne parle plus avec la mère et le fils ne la connait presque pas. Le fils veut la retrouver, mais rencontre son amour sur le chemin. Après tout, pourquoi aller voir le passé, il faut aller vers le futur. Il ne reverra jamais sa mère. Elle est la seule à être restée dans son village, abandonnée, nostalgique, le film se termine.
Le film arrive à rester clair dans ses intentions tout en abordant un grand nombre de thèmes qui nous parlent à tous. Il procure également une émotion esthétique rarement atteinte dans sa scène finale et quelques autres scènes semblant venir d'un autre monde tant elles sont réussies. Ce film me conforte dans l'idée que Jia Zhangke est un si ce n'est le plus grand réalisateur de sa génération.