Voilà un film comme on en croise rarement dans une vie. Première entrée en matière chez Jia Zhang-Ke pour ma part et mon dieu, je pense me faire toute sa filmo tant ce film était bon sur tant de plan différent. Déjà commençons par l'évident, les plans sont magnifiques, tout est planifié, calculé et cadré au poil de fesse. Et quel plaisir de voir les personnages déambuler dans ses décors qui semblent faire corps avec eux. Les plans sont pensés avec et pour les personnages et c'est franchement plaisant à regarder.
Bref, assez parlé de la forme, parlons du fond, le film nous raconte l'histoire d'un jeune couple (dont j'ai pas retenu les noms) vivant au sein des triades chinoises. Les deux ont une position élevée dans l'organisation grâce au travail acharné du mec, créant dès le début un rapport de force entre les deux personnages (la nana ne faisant qu'au final profiter des efforts de son mec). Mais le temps passe et la situation change à partir d'un certain évènement qu'on ne divulgâchera pas, mais qui comporte en son sein l'une des meilleures scènes d'action qui m'ait été donné de voir. Ce qui est intéressant, c'est la singularité avec laquelle cette inversion des rapports de force est faite. Là où n'importe quel film aurait choisi de montrer un changement brutal, des gens en pleurs et des grosses disputes, Jia Zhang-Ke, lui montre cette inversion, ce drame du temps qui passe et qui rattrape les protagonistes inévitablement de manière très minimaliste. Pas de grands pleurs, quelques larmes sèches tout au plus, pas de grand cri, simplement une voix cassée, pas d'adieux larmoyants, une salle vide.
Les éternels est subtil dans sa démarche et on n'a jamais l'impression de se faire prendre par la main, d'être trop guidé par peur qu'on perde Jean-Michel en chemin quand le réalisateur nous montre des plans chargés d'informations. C'est ce qui fait son charme.
Enfin, n'oublions pas également le changement de ton magistral qu'opère Jia Zhang-Ke discrètement tout du long du film. On commence dans une Chine du début des années 2000 très décomplexée (ça reste la Chine), une Chine dans la débauche. Puis plus le temps passe et plus la fleur fane, les gens ne sont plus aussi heureux, il pleut, bref. C'est beau.
Regardez ce film, regardez Jia Zhan-Ke, du grand cinéma d'auteur.