Une veste, une voiture, une porte, les participants au nouvel an, des lacets… dans les plans de « Au-delà des montagnes » le rouge est omniprésent. Cette couleur, très symbolique en Chine s’associe au feu bien plus qu’au sang (comme en occident notamment). La vie se compare alors à la flamme incandescente qui se consume intensément et de manière constante (le dicton 红红火火 littéralement « rouge, rouge, feu, feu » s’en est fait l’adage). Si le rouge est partout, jamais il n’irradiera sur la vie de Tao, malgré les trois époques que l’on va traverser avec elle…
1999, à fleur de jeunesse, Tao est heureuse et épanouie. Deux jeunes hommes sont éperdus d’elle, l’un discret mais très présent, l’autre impétueux et passionné. C’est le triangle amoureux classique, à l’image de la construction du film, qui sera suivie par deux autres périodes 2014 et 2025. Chaque segment connaîtra une rupture qui fera prendre aux personnages une direction opposée, pour autant, chaque segment est indissociable de l’autre, et tous se rejoignent. Tao, n’est pas Catherine, Zang et Lianzi pas plus Jules et Jim, pas d’effet de style ici, juste le cœur de la vie dans une Chine qui oscille entre passé, présent et avenir.
C’est cette base narrative que choisit que Zhang-Ke Jia pour nous livrer un mélodrame, à prendre dans le sens noble du terme, provoquant abattement et compassion, touchant une corde sensible restée bien muette depuis longtemps, celle de la justesse dans la description des sentiments. Tout dans ce film porte à l’état de grâce, les acteurs (sensationnelle Zhao Tao !), la perspicacité du scénario, la somptuosité dans la description des sentiments.
Cette admirable histoire qui se déroule sous nos yeux, est l’effet d’un choix, un seul, celui de l’homme avec qui Tao choisira de vivre. Différent, il aurait immanquablement remis en question la vie de tous les protagonistes. Et ce choix dont on sait dès le départ qu’il ne sera pas le bon Zhang-Ke Jia l’assume, non pas en tombant dans une sensiblerie à faire couler des larmes à tout prix, mais en filmant l’implacable parcours de Tao, non pas dans ce qu’il aurait de tragique, plutôt dans ce qu’il a d’universel. « Au delà des montagnes », se veut une fable philosophique, à portée sociale dont la morale insuffle d’écouter son cœur. A tout moment, Tao est à l’orée du bonheur et de ses flammes, sa vie peut prendre un autre tournant, mais la fatalité est plus forte, on ne revient jamais sur la passé. Et cette incursion futuriste le souligne bien, les erreurs d’hier se projettent et se reproduisent aussi dans l’avenir.
Zhang-Ke Jia a choisi une mise en scène des plus sobres. L’apparente simplicité de ses plans, la lumière toujours un brin nostalgique, la résignation de ses personnages tout ici vient souligner l’indispensable humilité de la condition humaine face à la vie, et le courage qu’il faut parfois pour l’assumer lorsque le bonheur a fui. Quitte à se remémorer, le temps d’une danse combien on a été heureux et afficher son plus beau des sourires.
There where the air is free
We'll be (We'll be) what we want to be (Aah aah aah aah)
Now if we make a stand (Aah)
We'll find (We'll find) our promised land (Aah)