Ce film est une claque. Un coup de poing dans la face. Peut-on parler d'erreur judiciaire quand elle est commise en connaissance de cause ? On regarde ce film avec la gorge nouée, coincé entre impuissance, désespoir et rage. C'est l'histoire d'un homme qui aura eu par deux fois la malchance d'être au mauvais endroit au mauvais moment. Adaptation de l'ouvrage autobiographique Proved Innocent de Gerry Conlon, publié en 1993, il raconte l'histoire des Quatre de Guilford, accusés et condamnés à perpétuité à tort pour avoir commis des attentats à la bombe à Londres.
Dénoncés par un membre de leur squat qui trouva suspect leur enrichissement soudain le jour même des attentats, ils signeront sous la torture de faux aveux et il leur faudra 15 ans pour prouver leur innocence. La police a besoin de coupables, et bien que sachant leur innocence, elle les forcera à signer des dépositions qu'elle aura elle-même conçues. Plusieurs membres de la famille de Gerry Conlon, dont son père, seront également emprisonnés pour complicité sur le même modèle arbitraire.
Le film raconte, à quelques petits détails près, le récit de Conlon et on suit donc son parcours ainsi que celui de son père avec qui il partagea sa cellule pendant des années. À quelques détails près en effet, car la réalité est encore plus cruelle: par exemple, les membres de l'IRA ayant pris la responsabilité des attentats de Guilford n'ont jamais été condamnés pour cela, et contrairement au film, ils ne l'ont pas avoué lors d'un interrogatoire mais face à la Cour, en public. Leurs aveux ont été ignorés afin de ne pas nuire à la crédibilité de la police anglaise.
In the Name of the Father se déroule en trois parties. La première est à Belfast en pleine guerre civile puis à Londres avant les attentats. Gerry est pris pour un sniper et pourchassé par l'armée anglaise. Dans sa fuite, il l'amènera invonlontairement à une planque de l'IRA et manque de se faire mutiler par les terroristes irlandais en guise de punition. Plus ou moins contraint à l'exil vers Londres où il part avec son ami Paul, ses malheurs ne font en réalité que commencer.
La deuxième partie est probablement la plus dure. Dénoncés par un hippie jaloux du squat, il est arrêté avec son ami Paul, et deux autres membres du squat, Paddy et Carole. Pour les personnes soupçonnés d'être de l'IRA, la police peut effectuer 7 jours de garde à vue sans qu'il n'y ait de charge requise. S'en suivent donc des scènes de torture physique, mais aussi psychologique, pour leur faire avouer des actes qu'ils n'ont pas commis. Puis vient le procès où se mêlent en nous impuissance et injustice.
La troisième partie se déroule en prison, où le désespoir l'emporte et on n'espère même plus un miracle pour les sauver.
Il est toujours difficile d'expliquer pourquoi un film nous prend aux tripes car cela repose sur des paramètres qu'on n'identifie pas nécessairement. Ici, on ne saurait tarir d'éloges sur une distribution extraordinaire. Daniel D. Lewis, bien sûr, est impérial. On connaît son implication dans chacun de ses rôles ainsi que la préparation qu'il se fait endurer; une fois de plus ça paye. Il aura fallu Tom Hanks dans Philadelphia pour lui ravir l'Oscar. Pete Postlethwaite donne une leçon à montrer à tous les seconds rôles et n'aurait pas volé son Oscar non plus. La B.O., composée de morceaux originaux par le Bono des années 80-90 (qui assurait encore) et Sinead O'Connor ainsi que de morceaux des années 70 (Jimi Hendrix et Bob Marley notamment), convient parfaitement.
Un grand film. Une grande claque comme ça fait du bien d'en prendre de temps en temps.