Adorant le cinéma de Quentin Dupieux, encore plus que les enfants que je n'ai pas, je ne pouvais qu'être ouf à l'annonce de son premier film tourné dans notre soi-disant beau pays.
En effet, après un séjour au Canada où il nous livra son délicieux Steak, il arpenta les rues de Los Angeles pour mettre en image ses plus beaux cauchemars, allant du miraculeux Wrong au méticuleux Réalité en passant par le gros bourrin Wrong Cops et sans oublier l'une des meilleures séries B, Rubber.
C'est donc après cette série de films mindfuck que l'Oizo décide de rentrer au nid, go back to Panam c'est pour ça.
Désireux de renouer avec la langue française, qu'il maîtrise mieux que l'anglaise, l'homme aux rêves douteux et à l'imagination débordante, le révolutionnaire du cinéma français, le Che même on pourrait dire avec cette barbe fournie, nous livre un quasi huis clos, stylisé à l'ancienne où l'échange loufoque de dialogues et de situations cocasses fonctionnent du tonnerre c'est pour ça.
Pour avoir grandi en regardant pas mal de films avec Belmondo, époque qui m'a marqué, Le Professionnel, Hold-Up, Les Morfalous, Peur sur la Ville ou encore Le Magnifique, ces films que j'ai toujours chez moi en VHS sont des trésors d'enfance et il semblerait que Dupieux ait une affection pour les deux derniers cités. Deux influences viscérales d'Au Poste ! c'est pour ça.
Peur sur la Ville, entre cette histoire d’œil et l'affiche magnifique du film, ainsi que le look de Poelvoorde ou encore cette ambiance et ces décors, une évidence !
Le Magnifique pour tout ce qui est burlesque, souvenirs troublés et j'en passe c'est pour ça.
Voilà deux films que je connaissais bien, mais un des plus évident que je n'ai découvert que la semaine dernière c'est Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel. Un père spirituel visiblement pour Dupieux c'est pour ça.
Niveau ambiance et décors c'est donc très marqué film franchouillard des années 70/80. Avec Joan Le Boru, femme du réalisateur, qui officie à chacun de ses films, c'est une claque de plus. Tourné au Siège du Parti communiste Français, un bâtiment étonnant, chargé de béton et lumières parfaitement adéquate pour créer un climat old school, c'est pour ça.
C'est donc au milieu de ce terrain en dur, froid et peu chaleureux, que va se jouer un huis clos perturbant et perturbé. Dupieux se la joue une nouvelle fois pieuvre en touchant à tout, car non seulement il dirige le plateau mais fait son cadre, aussi millimétré que beau d'ailleurs, la photo également, le montage ensuite, puis l'affiche pourquoi pas, tout ça après avoir écrit lui-même le scénario, c'est pour ça. Un bel exemple pour le cinéaste que je reverrais d'être, c'est pour ça.
Sous une photographie qui elle est on ne peut plus chaude avec ces teintes jaunes-vertes, le duo Poelvoorde/Ludig évolue à la manière d'un esprit tordu. Entre dialogues de sourds d'une banalité étonnante, une équerre tueuse, une enquête aussi bête que fascinante et une reconstitution en flashback parfaitement biscornue, j'en passe et des plus WTF, c'est un petit régal d'1h13 qui se clôt par une scène post-générique brillante qui laisse sur le popotin, c'est pour ça.
Puisqu'il est inutile d'essayer de raconter l'histoire, le synopsis ne le fait que trop bien, et qu'il ne sert à rien de spoiler, il suffit d'aller voir le film à point, je vais parler un peu du casting c'est pour ça.
Si les deux principaux monopolisent l'écran par leur charisme et leur premier degré exigé, quelques personnes se glissent ici et là comme un Marc Fraize de plus en plus demandé et c'est mérité tant il joue malignement, ici délicieux c'est pour ça. Anaïs Demoustier, un si grand talent transformé en nunuche de service, sublime c'est pour ça !
Quant à Orelsan, c'est une superbe blague que ce rôle débile et jouissif, la tirade sur le suicide sort de nawak et pourtant ça passe parfaitement, c'est pour ça. Philippe Duquesne en boiteux et Jacky Lambert en double rôles sont géniaux. Michel Hazanavicius et les cris de douleur d'Alain Chabat c'est du bonus de qualité, surtout pour le lien entre Réalité et Au Poste !, c'est pour ça.
Que voilà donc un premier film français et un sixième long métrage désopilant, inventif, à la BO rythmée et nostalgique. Oeuvre hypnotisante à l'opening singulier et au final à la finesse peu présente mais au kiff culotté, c'est pour ça.
PS : Lors d'un flashback, le programme soi-disant "passionnant" sur les chevaux m'a tué, le décalage sublime !