Après Réalité que j'avais vraiment adoré, Quentin Dupieux, probablement le réalisateur le plus créatif et barré du cinéma français, revient avec Au Poste !
Le commissaire Buron enquête sur la mort d'un homme, retrouvé sans vie dans une mare de sang. Dans son bureau, Fugain qui a découvert le corps, suspect numéro un. A la table en face, Philippe, un bleu qui est arrivé là un peu pistonné par son père. Buron interroge Fugain. Et la nuit va être longue.
On ne mettra que quelques secondes pour retrouver l'humour froid et absurde de Quentin Dupieux, la première scène étant un homme en slip rouge vif dirigeant un orchestre dans un champ. Cet humour si particulier, qui, au delà de l'absurde, serait même du nonsense, dans le sens le plus britannique du terme, est présent tout au long du long-métrage. Il y a quelques perles incongrues qui pointent ici et là, et comme dans les autres films de réalisateur, chercher à en comprendre le but ou la raison n'a pas réellement d'importance, de sens ni d'intérêt. Tous ces éléments donne une ambiance si particulière au film, le genre d'ambiance que l'on retrouvait déjà dans Réalité.
Cette sensation d'être devant un huis-clos hors du temps, hors de l'espace et hors même d'une certaine réalité est également due à la photographie, à ces couleurs un brin délavées. Avec ces personnages habillés façon années 80 mais qui ont pourtant internet. Et la narration non linéaire (quoique plus linéaire que les autres films de Dupieux) ajoute à cette volonté de perdre le spectateur. Le dernier quart enterre définitivement la logique et ce qui restait de notre compréhension, qui avait néanmoins l'habitude d'être plus malmenée que ça par le réalisateur.
Les acteurs jouent avec un naturel déconcertant, ce qui renforce ce sentiment que ce sont les spectateurs qui n'ont pas la bonne logique, et non le film. Grégoire Ludig est absolument exceptionnel. Tout son jeu est parfait, ni trop ni trop peu. Poelvoorde, c'est Poelvoorde, c'est à dire une roue : tu le lâches en haut de la colline et tu le laisses rouler parfaitement sans rien faire. Anaïs Demoustier est bluffante malgré un rôle peu étoffé, et Monsieur Fraize a également son moment de gloire. Enfin, le très petit rôle d'Orelsan permet de prouver (si c'est encore nécessaire) le talent du rappeur.
Difficile d'en dire plus sur Au Poste ! en vérité... Il a du sens dans la filmographie de Quentin Dupieux, bien qu'il soit plus modéré que ses précédentes réalisations. Mais on nous sert toujours cet humour absurde et fin, un grand travail de mise en scène, de cadrage et de photographie. Mais est-il très pertinent de parler de scénario pour un long-métrage pareil ? Ne pouvons-nous pas nous contenter de dire qu'Au Poste ! n'a pas la prétention d'être un chef d'œuvre, que ce n'est pas le meilleur de Dupieux mais qu'il fait rire tout en nous perdant, que sa réal est soignée et que ses acteurs frôlent la perfection ?
Alors disons-le.
Au Poste ! n'a pas la prétention d'être un chef d'œuvre, et ce n'est pas le meilleur de Dupieux mais il fait rire tout en nous perdant, sa réal est soignée et ses acteurs frôlent la perfection.
PS : regardez bien le dernier acteur crédité au début du générique. Ceux qui ont vu Réalité apprécieront ce clin d'œil savamment trouvé.