Au Rendez Vous de la Mort Joyeuse est le tout premier long métrage de Juan Luis Bunuel , le fils du célèbre réalisateur d'Un Chien Andalou ou L'Age d'Or fait ainsi ses grands débuts au cinéma avec un film peut être pas aussi fou et radicale que ceux de son paternel mais tout de même bien singulier. Sorti sur les écrans en 1973, Au Rendez Vous de la Mort Joyeuse (Expulsion of the Devil) n'est rien de moins qu'un film de maison hantée à la française et ce n'est pas si commun..
L'histoire est celle d'un couple avec deux enfants, un jeune garçon et une adolescente, qui viennent tout juste de s'installer dans une immense maison. Témoins de phénomènes étranges, la famille après avoir fuit la maison précipitamment accepte qu'une équipe de tournage l'investisse pour une nuit afin de capturer les preuves des événements paranormaux qui s'y déroule.
Si Au Rendez Vous de la Mort Joyeuse est bel et bien un film de maison hantée en revanche son ton est celui un peu décalé d'une chronique détachée et presque naturaliste. Le registre du film n'est aucunement celui de la terreur et de l'épouvante mais celui de l'étrangeté filmé comme un événement presque normal, simplement un poil décalé du quotidien. Jamais Juan Luis Bunuel ne va jouer véritablement sur le registre de la tension et encore moins sur celui de la peur, préférant tisser une ambiance bizarre plutôt que de chercher l'effet effrayant. Et si nous aurons droit à des déplacements d'objets, des visions étranges, des présences mystérieuses, des bruits inquiétants tout se fera dans une certaine douceur bien poétique que choquante et violente. Même lorsque la maison contraint un homme à plonger sa main dans une marmite d'eau bouillante ou qu'une cuisine attaque un visiteur en projetant sur lui table, gazinière et frigidaire on reste dans une atmosphérique bizarrerie très cotonneuse. Inutile également d'espérer des révélations ou des explications, le film restera des plus évasifs sur la nature et la raison des phénomènes paranormaux hormis une piste les reliant à la puberté tourmentée de la jeune adolescente de la famille interprétée par Yasmine Dahm. Si la première partie du film décrivant la vie de cette famille confrontée à l'inexplicable n'est pas bien palpitante, le film devient bien plus accrocheur avec l'arrivée de l'équipe de tournage. L'aspect enquête et vue subjective avec l’œil de la caméra est même assez novateur pour l'époque.
Dans cette seconde partie l'équipe de tournage sera mystérieusement rejointe par un prêtre accompagnant des orphelines et ayant l'habitude de bivouaquer dans la maison. L'occasion pour fiston Bunuel de titiller la fibre anticléricale familiale avec une vision fantasmagorique du prête allongé sur un lit avec deux adolescentes à côté de lui. Si les lieux semblent hantés par une mystérieuse présence féminine sorte de double de l'adolescente de la famille il sera au final presque impossible de comprendre ce qui s'y passe vraiment. Le casting est plutôt solide puisque l'on retrouve Françoise Fabian dans le rôle de la mère de famille, Claude Dauphin dans le rôle du prêtre, mais aussi Michel Creton en cameraman, Gérard Depardieu en preneur de son, Jean Claude Darras en journaliste. Et même si l'on est clairement plus proche du cinéma d'auteur que de The Conjuring, la proposition de Au Rendez Vous de la Mort Joyeuse reste agréable et plutôt originale.
En attendant une hypothétique sortie en DVD , je suis content d'avoir fait ronronner mon vieux magnétoscope poussiéreux après avoir trouvé la VHS du film sur un vide grenier pour vingt petits centimes.