Tout d'abord, Nahuel Pérez Biscayart est absolument incroyable. Cet acteur qui avait déjà percé l'écran dans 120 Battements par Minutes est encore plus remarquable, à tenir un rôle tout entier presque uniquement avec les yeux, et ce regard qu'il a, il joue les émotions avec une justesse et une précision rarement égalée.


Cela étant dit, le film en lui même est bon. Le scénario est très interessant et montre une vision de l'après-guerre 14 qu'on a pas l'habitude de voir. Une vision qui met l'accent sur la corruption et les profiteurs, ce qui ont utilisé la guerre et les morts pour s'enrichir. Le film maîtrise parfaitement son propos et montre bien que tout le monde essaie de tirer profit comme possible de la situation. Question mise en scène et montage, le film est très classique dans sa manière de faire, la scène introductive présente un champ de bataille de la première guerre mondiale comme on a l'habitude d'en voir : Plan large au dessus de la scène, on suit les soldats qui courent vers l'ennemi, des explosions partout autour d'eux, on se rapproche des personnages principaux, le silence après une explosion, etc. Mais le film n'est pas un film de guerre, tout se concentre bien après, et le montage reste très classique et dynamique au service du scénario. Il faut aussi saluer certain jeux de lumières très bien fait, l'éclairage et même les décors du film, le Paris des années 20 reconstitué donne une superbe ambiance à l'oeuvre.


Concernant les acteurs et leurs personnages maintenant, mis à part l'exceptionnel et fantastique acteur principal, dont le développement psychologique du personnage est très bien travaillé ; on est face à un personnage assez fantasque qui cherche à rester positif et comique malgré la situation, mais sa douleur intérieure profonde est toujours là et se ressent, et sa dernière scène, tout simplement sublime. Le personnage incarné par Dupontel a aussi un développement interessant à observer, dans ses différents dilemmes moraux (même si parfois il change d'avis un peu vite). La petite fille ne sert pas à grand chose, sinon être une interprète, mais elle ajoute une touche mignonne au film qui n'est pas déplaisante. On arrive au personnage incarné par Laurent Lafitte, détestable au plus au point. Il est quand même très rare de voir Lafitte dans un rôle de méchant mais il l'incarne très bien, avec son sourire mesquin et sa moustache (oui, cette moustache est merveilleuse).


Mais là on en arrive à un petit problème dans le récit et dans les personnages, qui était sûrement déjà présent dans le roman. C'est une oeuvre qui semble un peu trop manichéenne : Pradelle est le méchant vraiment très très méchant, dès sa toute première apparition, qui sort des ténèbres, et après dans tout le reste du film, ses actes ne sont justifiés que par "c'est un salopard psychopathe" et même si à un moment du film il se prend un retour de karma particulièrement satisfaisant, il est dommage de ne pas avoir un peu de nuances dans son personnages. De l'autre côté c'est l'inverse, Edouard et Albert détournent l'argent de plusieurs communes de France à hauteur de plusieurs millions (voire plus) de francs, mais c'est pas grave parce qu'ils sont gentils et sympathiques, on ne peut pas vraiment leur en vouloir.


D'autant plus que le film se termine sans réelle conséquences pour Albert, qui est libéré et va vivre avec sa nouvelle femme et la petite fille. La conclusion donnée à Edouard est logique est cohérente avec tout le développement de son personnage, le transformant presque en héros martyr (on se rappelle bien des quelques références au Christ alors qu'Edouard était soigné par les bonnes sœurs au début du film. D’ailleurs, quand Edouard saute de l'hôtel [si toutefois ma mémoire ne me joue pas des tours] il est en croix)


Pour conclure, c'est un très beau film à voir, malgré les quelques facilités scénaristique, qui offre des personnages intéressants, une belle histoire de vengeance qui pointe du doigt les injustices d'après guerre, et le fait que l'état cherche à glorifier artificiellement les soldats pour leurs propres profits. On peut aussi se poser quelques questions après le visionnage du film : Nos soldats morts au combat étaient-ils vraiment tous des héros glorieux ? Les monuments au morts, tout ce devoir de mémoire, n'est ce pas une preuve d'une immense hypocrisie ?

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le 1 nov. 2017

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Dysentra  Red

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