Injustement maudit et dédaigné par les fans de la franchise, ce sixième opus possède pourtant tous les ingrédients pour en faire un film mémorable. Sauf que ceux-ci sont différemment dosés par rapport à ce que l'on avait l'habitude de voir dans les volets précédents. Ainsi, l'action et l'humour se font plus discrets, les gadgets sont relégués au placard ; mais à côté de cela, la psychologie du héros gagne énormément en épaisseur, lui donnant une humanité (et une maturité) jusqu'alors insoupçonnée. Force est de constater que George Lazenby ne s'en sort pas si mal, tout en ne faisant pas non plus oublier Sean Connery. Face à lui, Telly Savalas compose sans conteste le Blofeld le plus intéressant de la saga, qui pour une fois prend part à l'action et n'hésite pas à se salir les mains.
Le réalisateur, Peter Hunt, s'offre aussi la présence de la sexy Diana Rigg, qu'il magnifie comme jamais grâce à des éclairages inspirés mettant admirablement bien en valeur son visage gracieux. L'actrice campe sans nul doute la James Bond girl la plus classieuse et attachante de la saga. Un personnage de femme forte qui fait partie intégrante de l'intrigue et ne se contente pas de jouer à la potiche superficielle. Le rythme enjoué des précédents films laisse ici la place à une atmosphère assez mélancolique qui devient même parfois envoûtante, aidée pour cela par un très beau thème musical délicieusement noir. Même si les séquences d'action se font plus rares, celles-ci sont mieux filmées que d'habitude et ne déçoivent pas (la longue poursuite en ski reste la meilleure et donne même des frissons).
Enfin, le scénario est bien ficelé et présente une intrigue moins invraisemblable et plus modeste que d'ordinaire, donnant ainsi plus de crédibilité et d'intérêt aux péripéties du héros. Cela jusqu'au final le plus marquant et dramatique de la longue filmographie du héros, qui lui fait goûter pour la première fois à la saveur amère de la défaite (et quelle défaite...). Quand l'histoire se risque à développer des enjeux dramatiques et que James Bond laisse paraître ses émotions, il en résulte sans conteste l'opus le brillant et abouti de cette saga culte.