Le film d'horreur le plus effrayant que j'aie pu voir ces derniers temps... Documentaire qui suit le futur réaménagement architectural de la multinationale Unilever.
Mais si ! - cette entreprise plus proche de Marx que le parti communiste : "Nous vivons dans un monde de plus en plus incertain et fluctuant. Les températures augmentent, les pénuries d'eau sont plus fréquentes, les denrées alimentaires de plus en plus rares, le fossé entre riches et pauvres se creuse et des milliards de personnes n'ont toujours pas accès à l'hygiène et aux infrastructures sanitaires de base.
Mais la société évolue. La transition vers une consommation plus réfléchie et durable ne cesse de s'intensifier, et les personnes prennent de plus en plus leur propres responsabilités quant à l'impact de leurs décisions d'achat.
C'est pourquoi notre objectif est simple : faire du développement durable un standard."
Bref, une entreprise qu'elle est bien, suivie par la documentariste qui nous montre une sorte de lieu totalitaire où tout est dirigé pour le "bien être" des salariés. Tout est mesuré, leur efficience, leur potentiel, leurs défaut etc... Plus de lieu de cloisonnement, c'est le cloud informatique matérialisé par des open space inspirés des meilleures pubs d'Ikea.
Plus de places définies, tout le monde peut "travailler" partout ! Ah quel bonheur, pouvoir causer avec son collègue à la machine à café du prochain produit à la con et faire de sa vie un mauvais film corporate où le rire à sa place seulement s'il est cynique.
Véritable temple du néant, de l'absurdité du "neomanagement" (et le fameux LEAN management), le siège d'Unilever est une sorte de grand musée des horreurs où la vacuité est élevée au rang d'avenir désirable (ou plutôt : à absolument désirer sous peine d'une violence barbare). Car le bien être des salariés, ce n'est pas pour qu'ils rentrent chez eux tout contents et avoir une vie autre que le tas de caca qu'ils auront pondu durant la journée.
C'est fait pour ne pas qu'ils rentrent chez eux. Une sorte d'entreprise-cité, bientôt cité dortoir, où on peut bien critiquer les usines en Corée du nord en se gardant bien de voir que ce qu'ils proposent est le dernier stade de l'aliénation, où la personne qui travaille n'est, ne doit, et ne sera qu'une sorte de robot, acteur de sa propre vie qui est elle au service de l'entreprise, de son idée, de sa stratégie... En bref, le remodelage complet de personnes qui devaient bien être des personnes sympas au début, mais dont je n'ai retiré qu'une sorte de dégoût ou de pitié après avoir regardé le film. J'arrive pas à penser autrement, ça me donne la gerbe qu'on puisse être à ce point totalement con, dire avec le sourire ce que même le plus corporate des tracts de la boite ne pourrait dire.
En oubliant au passage, et c'est là le plus fort, qu'une entreprise comme celle-ci n'a pour seul et unique but que de faire du profit. Pas de rendre ses employés heureux.
En bref, c'est un film très intéressant sur l'enfumage - on pourrait presque donner cette définition du management - toutes les stratégies développées, les tactiques, les techniques de coercition qui ont ce pouvoir génial : rendre les personnes responsables du jugement des consultants extérieurs. Jugement compilé via des cases, des algorithmes, des graphiques et des camemberts, des batons, des chiffres et des pourcentages, des mot-creux et des songes vides, des chimères, de mots constamment valorisants, positifs (la litote est un art ici), mais qui ne sont là que pour brosser dans le sens du poil : condition nécessaire à "l'efficience" du salarié.
Ca me fait penser à une nouvelle : "Pour servir l'homme" de Damon Knight.
C'est l'histoire d'extraterrestres très en avance sur une humanité délabrée par les guerres, la famine etc. qui viennent supprimer toutes ces "tares". L'humain devient gras, il n'y a plus de maladies, plus de guerres, plus de famines. Bref, le bien être est total. Jusqu'au jour où un mec découvre que toutes ces attentions ont été mises en place pour manger l'humanité, littéralement.