Histoire d'amour ou histoire de conquête du pouvoir sur l'autre?

C'est le premier long-métrage d'Alice Winocour. Donc bravo tout d'abord parce que ce film est abouti et réussi, ce qui n'est pas rien quand on n'est pas un baroudeur comme David Cronenberg et qu'on vient marcher sur ses plates-bandes à peine un an après la sortie en salle de "A dangerous method".
Soko n'est pas Keira Kightley, Vincent Lindon n'est pas Viggo Mortensen et le professeur Charcot n'est pas Sigmund Freud. Bien.
Passées ces évidences, on s'aperçoit bien vite qu'Augustine n'est pas un remake à la française du film précédemment cité. De fait, Alice Winocour nous confie que si elle s'est attaqué à ce projet si ambitieux c'est avant tout pour parler de la place de la femme: Constance-Augustine Charcot a le pouvoir et les relations, son mari a le cerveau et les respects de ses confrères, Augustine n'a rien d'autre que ses mains pour être bonne et sa dignité à protéger. Mais comme être respectée quand on vit dans une société masculine, conçue par et pour les hommes, qui traite les servantes hystériques successivement comme des rats de laboratoire et des objets de désir au piège de leur voyeurisme?
Soko débute ici sa carrière d'actrice et elle est pour le moins convaincante lorsqu'elle tombe, tremble, hurle et se contorsionne d'une façon pour le moins évocatrice. Vincent Lindon, à contre-emploi, nous étonne dans ce rôle de médecin sans coeur, entièrement accaparé par ses recherches.

Moins convaincant cependant sont les témoignages des femmes d'aujourd'hui, ces hystériques modernes, habillées comme au 19ème siècle pour servir de "décors" à la Salpêtrière, qui interviennent ici et là pour nous livrer une partie de leur histoire. L'hystérie aujourd'hui encore est une maladie mystérieuse, souvent liée à des viols durant l'enfance de ces femmes qui, pour la plupart, viennent de milieux défavorisés.

D'un point de vue technique, toute la bande semble avoir été passée au film "Instantagram". Cela donne une effet très esthétique ainsi qu'un air suranné à chaque plan. A croire qu'Alice est allée chercher la lumière au 19ème siècle.
Les scènes sont presque toutes tournées en gros plan. Ce n'est pas un visage que l'on voit, mais seulement un oeil au regard frondeur.
Ce film, c'est également une ode au corps, ce corps qui ne nous obéit pas toujours mais peut magnifier nos émotions quand il laisse enfin libre cours à nos sensations.
Diégétique
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes True story! (iykwim) et Vus en avant-première et c'est quand même trop la classe

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le 26 oct. 2012

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