A beautiful method
Pour sa première mise en scène, Alice Winocour n’a choisi ni la facilité, ni la simplicité : film en costumes, sujet difficile, peu de glamour et pas de concession (pour un résultat envoûtant et...
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le 9 nov. 2012
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Après avoir vu plusieurs fictions autour de Freud (D'un pas mesuré, Princesse Marie, A Dangerous Method), attendant un biopic probable sur Pinel,
C'est autour de Charcot de subir le charcutage complaisant de la cinématographe Alice Winocour. Elle tente dans sa forme de tracer, au travers de la patiente Augustine et du docteur Charcot - un rapport dominant-dominé, les débuts de la psychiatrie et le traitement que l'on fait de l'hystérie à l'époque. Ce rapport dominant-dominé évolue sans nuance, maladroitement dans une lumière, elle aussi maladroite et sans nuance. Les extérieurs sont filmés avec une lumière brillante et floue. Les intérieurs sont plus sombres, boisés et plus nettes. Effectivement, la psychiatrie balbutie à ses débuts, mal appréciée de tous, on parle de démons. Charcot cherche à faire reconnaître son travail et à entrer à l'académie. Il est certain qu'on avance à cette époque vers des territoires inconnus. Mais fallait-il que cela prenne cette forme grossière ? J'en doute fort.
Il me restera pourtant le rapport du docteur et de sa patiente-jouet médical, dont le rapport a peu de contenu et manque de dynamisme. Je n'aime guère évoquer mon ennui mais j'ai eu le sentiment qu'on avançait à pas feutrés comme dans un Derrick. C'est la toute fin qui bouleversera les rapports, avec une suite de scènes révélatrices de leurs rapports mais ce sera bien maigre et convenu. Et même au-delà du convenu puisque Charcot est ici sacralisé et la patiente-aimante est dénudée à tous vents, sans forcément de justification. Oui, j'affirme que c'est un film machiste - qu'il soit issu des mains d'une réalisatrice me désole. Le mot doit alerter les consciences car j'ai lu plusieurs fois que ce film était féministe !
J'ose un aparté pour démonter ce prétendu féminisme que les médias et certains d'entre nous ont mis en avant.
C'est une drôle conception du féminisme. Bien que je confesse que la scène du corset soit significative, elle n'en reste pas moins le constat mais pas le combat. Faire le constat du mal fait, physiques entre autres, ne témoigne en aucun cas d'un parti pris, d'une attitude à conduire. C'est comme si je disais "ouh les traders, c'est pas bien ce qu'ils font" et que je prenne conscience de ce malheur sans rien en faire.
313 femmes ont affirmé récemment qu'elles ont été violées. Alarme dans les consciences ! L'incendie se révèle n'être qu'une succession de faits divers sur papier et donc un feu follet qui n'a pas réussi à poser les bonnes questions et ceux pour toutes les femmes.
Au contraire, ce symbolisme grossier à la toute fin du film atteste qu'Augustine est seule. Il n'y a rien. Du vide jeté en pâture au spectateur. Allez démerdez-vous, circulez !
Je puis t'assurer qu'en tant que féministe, on ne se retrouve jamais seul.
De plus, il n'y a pas que l'absence de combat et de cohésion qui se retrouve dans le film. Il y a l'assurance d'une histoire objective. Augustine ne pose pas le problème de la féminité, il pose la question des débuts des traitements psychiatriques soumis à la torture thérapeutique jusqu'à nos jours ; il pose la question de la féminité dans les structures psychiatriques, de la compréhension de l'hystérie et de la prise en compte d'une évolution qui patine. Tout ça pour dire que la féminité est bien un axe moindre et amoindri dans ce film, tant est si bien que ce serait un raccourci de mettre ce combat en avant. La reconnaissance de l'hystérie ne saurait être une considération féministe propre à l'émancipation des femmes. D'ailleurs, pendant longtemps les Charcot ont continué d'être sacralisé et de conduire une violence contre tous les patients psychiatriques.
Reprenons le cours de la critique. Que me reste-t-il ?
Il me restera Augustine dans son rapport avec la maladie. Là aussi, c'est un échec si je dois considérer l'empathie que j'ai pour elle. Le talent de Soko n'y changera rien. Comme on ne sait rien de sa maladie, de ce qu'elle ressent, même si le film crut bon d'insérer des plans de témoignages, la douleur d'Augustine ne transparaît pas, engendrant ainsi l'absence, le désert de mon empathie pour ce personnage.
Quant aux personnages secondaires, ils sont totalement inachevés. On ne sait pas pourquoi ils existent, quels enjeux ils amènent car ils disparaissent sans laisser de trace.
Que me reste-t-il ? Oh il y a bien quelques scènes intéressantes à gratter. J'ai apprécié celle où le corset (de beauté) est enlevé à Chiara Mastroianni tandis que son personnage s'inquiétait du rapport entre Charcot et Augustine. La scène du singe aussi. J'ai apprécié la séquence d'entrée et quelques scènes finales... Et je me suis demandé à chaque fois si ces scènes justifiaient l'histoire et sa mise en forme telles qu'elles m'étaient présentées. J'ai assez largement conclu ce film par la négative en me disant : "Encore un film médical qui passe à côté de son sujet, et qui est mal renseigné de surcroît".
Il y a tant et tant à dire sur l'hystérie, et de manière plus générale, sur la psychiatrie que j'ai trouvé cela triste. Si cela intéresse, retrouvez dans les commentaires la longue histoire des maladies mentales.
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Créée
le 12 nov. 2012
Modifiée
le 22 nov. 2012
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