Dérèglement des corps et mélange de genres

L’intérêt principal d’Augustine, première réalisation d’Alice Winocour, réside dans la réflexion permanente que mène cette dernière pour représenter l’hystérie : l’ouverture fait naître une crise sur plusieurs minutes, associée à un orage extérieur tout droit sorti du cinéma fantastique ; les symptômes qui surgissent mêlent la possession et l’extase sexuel ; la clausule change la jeune femme en amante passionnée puis en manipulatrice afin de recouvrer sa liberté. Le récit est entrecoupé de courtes séquences d’entretien avec des malades filmées sous forme de portraits faces caméra : ces femmes reviennent tantôt sur les premiers signes de leur dérèglement tantôt sur l’étrangeté de leurs manifestations. La réalisatrice confère ainsi à son long métrage un appui néoréaliste précieux qui l’empêche de totalement basculer du côté du cinéma de genre.

Elle bénéficie également d’acteurs exceptionnels, à commencer par le duo principal que campent Vincent Lindon et Soko, et d’un soin apporté à une reconstitution historique qui brille moins par sa démesure que, justement, par son intimité : l’importance du clair-obscur et des ombres, le choix d’espaces souvent fermés et mal éclairés, l’omniprésence d’un public – symbolisé par les plans sur les yeux – font de la science une discipline articulant rigueur de l’étude et théâtre où l’on vient assister à une représentation codifiée. Le film prolonge ainsi la vision proposée par David Lynch dans Elephant Man, cultive le mystère et refuse la grandiloquence théorique.

Si sa seconde partie, répétitive et desservie par une musique envahissante, convainc moins et semble davantage artificielle – du fait de la concrétisation de ce qui s’esquissait au début –, Augustine n’en demeure pas moins une œuvre forte et maîtrisée qui investit l’hystérie par le prisme du corps, un corps distordu par les crises et par le désir.

Créée

le 17 janv. 2023

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