Aurore est un film léger qui se veut cependant militant. Il représente une femme de 50 ans qui prouve à la société qu’elle est encore bien vivante. Porté par Agnès Jaoui, le film s’en sort grâce à son humour, malgré un côté très théorique sur le féminisme et ses combats d’aujourd’hui


Aurore, portrait réalisé par Blandine Lenoir (assistée par de nombreux co-scénaristes ou consultants dont Jean-Luc Caget qui formait autrefois un duo avec Solveig Anspach), est le récit d’émancipation d’une femme de 50 ans. L’objectif majeur du film est de la rendre visible et la plus proche possible des femmes de son âge, quitte à revenir un peu trop souvent sur cette question d’âge. Aurore va donc voir ses enfants quitter le nid, la ménopause pointer le bout de son nez (à grands coups de bouffées de chaleur) et la reconversion professionnelle lui retirer son statut de serveuse au profit de celui de femme de ménage. Le récit est très souvent militant, on peut ainsi croiser l’amie de la fondatrice d’une maison de retraite collaborative dans un rôle parfait pour elle ou encore le discours de Françoise Héritier. On y voit aussi des conseillères Pôle Emploi revendicatrices. Tous ces propos sont fort bienvenus sauf qu’ils donnent l’impression d’un discours un poil revanchard et pas toujours justifié ou du moins bien amené. La faute à un personnage certes impeccablement interprété par Agnès Jaoui, mais bien trop lisse. Blandine Lenoir s’amuse pourtant à la mettre dans des situations burlesques qui font comprendre qu’elle vit comme une seconde adolescence, voyant son corps changer et les portes ne plus s’ouvrir devant elle (image utilisée à plusieurs reprises) aussi métaphoriquement que réellement (les portes automatiques ne s’ouvrent pas quand elle les approche). Les acteurs qui entourent Jaoui sont eux aussi formidables, ils font partie de la « troupe » de Blandine Lenoir selon ses propres mots et les rôles ont été écrits sur-mesure pour eux, ça se sent, d’où les rires qui fusent dans la salle. Hommes ou femmes sont ici des êtres un peu gauches, qui refusent de subir, veulent agir ou en tout cas essayent de s’en sortir comme ils peuvent. Plusieurs femmes sont présentées, et à travers elles plusieurs générations qui font l’expérience de la vie et des choix qu’elles devront faire pour se sentir aussi libres qu’aimées, entourées.


Une question de représentation


Le ton volontairement léger ne cache qu’en surface la volonté militante du projet, très soulignée dans les discours des personnages, parfois très programmatiques. La revanche se distille et quand Aurore explique à une conseillère pôle emploi qu’elle a travaillé pour son mari pendant 15 ans, sans être véritablement déclarée, l’indignation reçue en retour tombe presque à l’eau tant cela ne semble pas avoir été subie par Aurore elle-même. Quand elle le reproche ensuite à son mari incrédule (en plus joué par l’inoffensif et génial Philippe Rebbot) qui, lui, pense « on » a fait une connerie, Aurore n’est presque pas convaincante tant ce sont les mots d’une autre qui entrent dans sa bouche. Ajouter à cela, le côté comédie romantique qui consistera pour Aurore à reconquérir son amour de jeunesse qu’elle avait quitté pour son meilleur ami, le propos finit par se perdre dans mille pérégrinations. On manque en plus parfois de recul ou d’approfondissement. Ainsi, quand Aurore séduit, elle se pare de vêtements (que sa fille l’aide à choisir), se maquille, joue donc de son corps (qui d’ailleurs est sifflé par un homme qu’elle rembare, scène assez jouissive comme quelques autres). Or, ce rapport au corps, à la séduction, n’est que survolé alors qu’il est pourtant central. Blandine Lenoir dit elle-même « on a choisi les vêtements d’Aurore avec Agnès, je les voulais colorés, près du corps, qu’on voit tout, les formes, sans fard ». Le plus embêtant est surtout que Blandine Lenoir (rencontrée à l’occasion d’une projection du film) semble vouloir défendre une vision unique du cinéma par lequel la représentation des femmes à l’écran devrait répondre à un certain canevas, comprenez ressembler à tout le monde et à personne à la fois. La question qui se pose est donc la suivante : qu’est-ce que le cinéma doit-être finalement : un vecteur de rêve, une usine à millions (représentée par les blockbusters, peu inquiétés par les questions de représentativité qui se règlent avec deux-trois règles de parité vite digérées et détournées) ou encore une image de nous, une représentation fidèle au pourcentage près (à savoir que les femmes de plus de 50 ans représentent 51% de la population des majeurs en France) ? Le cinéma est en effet un formidable outil de représentation (depuis ses origines devant les usines Lumières), de lutte et permet de véhiculer des messages, mais pas seulement. Les femmes au cinéma ne sont pas toujours assez présentes ou souvent cantonnées à des rôles de mères surtout après 50 ans (le dernier Telle mère telle fille qui voit s’embourber Juliette Binoche ne dira pas le contraire). La véritable question, que le film aborde finalement assez peu, à part peut-être à travers les personnages dans leur maison de retraite collaborative, est celle de la place que nous sommes prêts à accorder à ces femmes-là, à leurs liens aux hommes, au travail, au monde et à leur élan de vie, de vivacité qui devrait être possible à tout âge. Aurore est donc un film qui se veut nécessaire mais qui risque par sa forme et son fond de ne prêcher finalement que pour sa propre paroisse, au risque de perdre en chemin ceux qu’il voudrait ou devrait convaincre d’une nécessaire solidarité humaine et ceux en menant une lutte commune contre les discriminations subies (la question de l’intersectionnalité est ainsi rapidement abordée par le film,).

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le 26 avr. 2017

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eloch

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