Ce film est assez troublant et dur parce-que forcément il relate une histoire vraie (qui s'est produite en 1920 au Québec) mais surtout une réalité qui malgré l'époque passée du film est toujours d'actualité et le sera encore longtemps : la violence faite sur les enfants. Pas n'importe laquelle : celle qui va jusqu'à la mort, celle qui se terre au fin fond des foyers, celle que tous savent réelle, mais que parfois il est plus facile d'essayer de dissimuler "ça ne nous regarde pas"...
Oui, les villageois sont de l'époque, ils ne peuvent pas se résoudre à agir, l'autorité religieuse doit assumer cette fonction, c'est elle qui s'occupe des familles et des souffrances à l'époque mais ici elle est très défaillante. Le curé se dit théoricien alors il n'agit pas, il va même à l'encontre d'Aurore, l'enfant qui connait mal son catéchisme et qui ment, voilà ce qu'il lui dit quand elle vient se confesser, sous le regard de sa "marâtre"...
La violence s'insinue sournoisement dans le film, toujours filmée en hors champ. On entend juste le cri, on voit juste les marques qu'elle laisse, les instruments qu'elle utilise, jamais les coups qu'elle assène...
Les enfants autour, ce qui ne subissent pas la violence, la voit, la regarde et sont impuissants face à elle. Surtout la grande soeur, presque alter ego d'Aurore qui tente de l'aider mais qui se trouve bien impuissante face à la violence et à l'indifférence des adultes ("tu es toujours plus belle que moi" "sinon ça sera pire" voilà tout ce qu'elle est capable de dire à sa soeur pour la rassurer)...
Tous agissent trop tard, s'indignent trop tard, surement pour se donner bonne conscience par la suite. Il n'y a qu'une femme et "le juge de paix" qui agiront réellement pour Aurore, même s'ils arrivent une heure trop tard, au moins ils incarnent une conscience, celle qui aurait pu agir mais qui prend peur, qui est lâche aussi, l'être humain quoi ...
Enfin, ce film a le mérite de relater sans trop de misérabilisme (un peu quand même, avec le suicide inutile du curé qui en plus est fictionel entièrement) l'histoire réelle d'Aurore et de porter le poids des autres enfants violentés.
Entre un père incrédule et parfois violent (incapable d'agir jusqu'au bout), des frères et soeurs effrayés et parfois cruels et une église qui l'abandonne, Aurore meurt au yeux d'une société comme elle aurait pu mourir aujourd'hui voilà pourquoi ce film me semble nécessaire malgré ses défauts ...
Un film qui commence à la manière de la petite maison dans la prairie, avec la parfaite petite famille campagnarde et croyante qui va à l'église et ramasse des fleurs mais qui est brutalement ravagée par la mort de la mère qui laisse un homme incapable d'assumer...
Mais surtout, en parallèle, se constitue aussi la figure du curé qui ne voulait pas être là (le début construit cette mutation par défaut, d'un homme qui se servira de cela pour cacher sa faute) et une figure humaine (mais pas très optimiste enfin réalité oblige) d'une église qui échoue à sauver son sujet principal, l'homme (il faut être ferme avec les enfants dit le curé à la femme malade persuadée qu'elle fait le bien en frappant Aurore, l'enfant dira-elle après sa mort la plus exécrable qu'elle ait connue). Le problème étant que cette violence est maladive (elle assimile Aurore au pêché et les enfants à la contrainte) et qu'elle aurait bien besoin d'être traitée à son origine...
Les plans sont très travaillés, notamment au niveau de la lumière (elle viendra tenter d'aider Aurore en vain) et de leurs sobriétés, le travail sur le hors champ est excellent également.
Dédié, en 2006, à tous les enfants victimes de violence, remake d'un film de 1956, porte parole d'une histoire qui avait bouleversée le Québec, ce film reste nécessaire en tant qu'hommage même s'il reste un film assez passable et qui est d'ailleurs passé inaperçu, dommage, il y aurait encore beaucoup à faire dans ce domaine...