Comment démontrer qu’aucune image – même dans le documentaire – n’est objective ? Que le choix des angles de caméra, la profondeur de champ, la focale, tout cela est plus qu’un métier, mais bien un art, tout ce que justement nous défendons ici ?
Auschwitz Project, le documentaire d’Emil Weiss qui passe en ce moment sur Arte, le démontre.
S’attaquant à ce sujet ultra rebattu, Weiss veut le traiter journalistiquement sur un autre angle, et propose donc autre chose à voir. Filmé entièrement par drone, à haute altitude au-dessus des rocades de la ville d’Oświęcim, ou au raz du sol, dans les couloirs barbelés d’Auschwitz I, sa mise en scène tient parfaitement le propos.
Ce n’est pas un documentaire de plus sur l’Holocauste, mais comme son nom l’indique sur le « projet » Auschwitz. Un projet à la fois militaire, industriel et idéologique. Car Auschwitz n’est pas seulement la camp d’extermination de million de personnes, c’était aussi une caserne militaire, des fermes, des étangs piscicole, des laboratoires scientifiques, et un vaste complexe pétrochimique IG Farben (où travaillai Primo Levi). Ce point de vue, qu’on appelle God’s eye en cadrage est parfait pour comprendre à la fois l’ampleur géographique et l’ambition totalitaire du projet nazi.
Cette vue d’en haut, planante et silencieuse comme la mort, est tout aussi éducative que terrifiante.
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