Hugh Jackman, pour femme. Le nouveau parfum Luhrmann

Sept longues années qu'on attendait le prochain film de Baz Luhrmann, sept ans depuis le sublime Moulin Rouge, déjà avec Nicole Kidman.
Des années que le cinéaste australien rêvait d'une fresque dans son pays natal digne des plus grands classiques hollywoodiens, des années de gestation pour mettre en chantier son projet, écrire le scénario, convaincre la Fox, et réunir le couple vedette (australien, cela va sans dire) pour porter à l'écran cette histoire d'amour durant la Seconde Guerre mondiale entre une aristocrate anglaise (Kidman) et le rustre Drover (Hugh Jackman) qui l'aidera à parcourir des milliers de kilomètres à travers l'Australie afin de mener 1500 têtes de bétail jusqu'à Darwin, et empêcher la ruine de son domaine dont rêve de s'emparer le sournois King Carney (Bryan Brown) et son homme de main Fletcher (David Wenham). Une intrigue se développant durant les deux premiers tiers du long métrage, jusqu'à ce que la guerre frappe aux portes du pays.

Double volonté d'un rêve que Baz Luhrmann concrétise à la perfection : le titre d'Australia est plus qu'évocateur quant à l'endroit où le metteur en scène embarque son spectateur, et il ne nous faudra pas plus de quelques minutes pour reconnaître dans son oeuvre l'inspiration éclatante du classicisme hollywoodien, particulièrement dans l'emploi de la couleur et dans la réutilisation de certains plans mythiques.

Les références sont légions dans Australia, et si Luhrmann cite Les Hauts de Hurlevent, Lawrence d'Arabie ou bien encore Titanic, c'est plutôt du côté d'Autant en emporte le vent que l'on a envie de loucher. Certains plans propres à David O. Selznick ne trompent pas, tels les flamboyants couchers de soleil et cet arbre bord cadre. Le parallèle ne s'arrête pas à des notions esthétiques, puisque si dans l'oeuvre de Fleming nous avions une femme battante de bout en bout, chez Luhrmann la Lady n'est guère impressionnée par l'aventure, et n'hésite pas à prendre les choses bien en main après l'assassinat de son époux.
Autre référence plus évidente, Le Magicien d'Oz ici convoqué à travers la chanson Somewhere over the Rainbow de Judy Garland et qui devient l'hymne du couple, véritable fil rouge du long métrage, des instants de bonheur aux affres du coeur, de l'air siffloté ou joué à l'harmonica à la projection du film dans le film.

Un goût prononcé pour le mélodrame et la comédie musicale qui se répercuteront sur Australia à bien des égards, mais pas uniquement : seront convoqués également le genre de la comédie avec la rencontre délicieuse entre Kidman la civilisée et Jackman le sauvage, de l'aventure avec cette découverte fabuleuse des grandes étendues désertiques et sauvages australiennes, et bien sûr du film de guerre avec le bombardement et le débarquement des japonais sur les côtes du Territoire du nord un célèbre 19 février 1942, plus importante attaque militaire que l'Australie ait jamais connue.
Un melting-pot des plus grands genres hollywoodiens qui pourrait paraître déconcertant mais qui pourtant est mené avec brio par un cinéaste qui arrive à équilibrer l'ensemble avec sensualité et lyrisme, ce à quoi il nous a habitué depuis Ballroom dancing.

S'il est une chose qui ne change pas avec Luhrmann, c'est sa façon unique de filmer son récit : mouvements amples de la caméra, goût prononcé pour les couleurs, art de l'excentricité et du romantisme exacerbé : pas de doute, Australia est bien un film du réalisateur de Romeo + Juliette et Moulin Rouge. Toujours dans le trop-plein que dans le trop-peu, Luhrmann répète les mêmes erreurs que par le passé mais en même temps c'est ce qui fait sa marque de fabrique, et il est sûr que pour qui est écoeuré par le moindre débordement émotionnel, un film du metteur en scène australien n'est pas indiqué.

Qu'à cela ne tienne, cette habitude du grandiose chez Luhrmann n'altère en rien notre plaisir, bien au contraire. Le cinéaste se permet même, une fois n'est pas coutume, de revenir sur l'histoire de son pays en rendant hommage à cette Génération Volée avec candeur, ces aborigènes qui ont péri durant la Seconde Guerre mondiale. Une main tendue vers une reconnaissance qu'il vaut mieux tard que jamais.

En bref : Un film de Baz Luhrmann est toujours un ravissement pour les yeux comme pour le coeur. Épique, lyrique, sensuel, Australia est une oeuvre d'une rare beauté qui témoigne de la grande générosité de son cinéaste à nous faire voyager. C'est aussi ça, le cinéma.
Kelemvor

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