J'avais vu ce film étant ado et je l'avais trouvé vraiment ennuyeux : revu récemment, je l'ai réévalué car il possède des qualités, comme quoi, je ne cesse de le répéter, il est bon de revoir des films vus trop jeune à un moment où on n'est pas toujours apte à les comprendre. En fait, c'est un faux film de guerre qui n'est peut-être pas assez passionnant et trop bavard, mais qui a le mérite de dénoncer la course à l'armement et le danger du nucléaire durant la guerre froide, un peu comme le fera Docteur Folamour. A ce propos, James B. Harris a produit 3 films de Kubrick et pas des moindres : l'Ultime razzia, les Sentiers de la gloire, et Lolita, il réalisait ici son premier film.
C'est une production britannique financée par des capitaux américains mais qui évite un côté trop hollywoodien, d'ailleurs le budget fut limité, le film s'en ressent surtout dans les scènes d'extérieurs avec les maquettes et les icebergs, mais ça fait bien illusion. Ce budget serré est compensé par une certaine ambiance tendue et où la tension monte en crescendo, créant ainsi un suspense malgré le côté statique d'un tournage en studio avec de nombreux dialogues. Les acteurs sont parfaits : Richard Widmark campe avec justesse un commandant de destroyer intraitable qui traque de façon obsessionnelle un sous-marin soviétique au large du Groenland ; passionné par le sujet, il co-produit le film alors qu'il jouait pourtant à contre-emploi de ses convictions progressistes. Il est bien épaulé par Sidney Poitier qui incarne le civil pacifiste, par Martin Balsam, Eric Portman et James McArthur, de même qu'on y découvre Donald Sutherland dans un de ses premiers rôles (un des toubibs de l'infirmerie).
Le film se réduit donc à un huis-clos pesant dont le sujet n'est pourtant pas basé sur des faits réels, mais il verse dans cette ambiance de paranoïa qui sévissait à Hollywood à cette époque de guerre froide, et on sait qu'un incident similaire a quand même eu lieu en 1962, sauf que l'issue fut beaucoup moins tragique. On voit ici qu'il suffit d'un petit grain de sable pour enrayer la machine, un irresponsable ou un exalté qui appuie sur le mauvais bouton au mauvais moment. Un film très méconnu, qui eut peu de succès et qu'il faut redécouvrir.