Cette propagande a le mérite d'en être une explicite et de poser des objectifs précis. Projetée à la télévision le 30 octobre 2016 sur National Geographic, elle a été mise en ligne gratuitement pendant une semaine, avec 45 langues à disposition. Leonardo DiCaprio (qui participe à ce film pendant ou après le tournage de The Revenant d'Inarritu), star hollywoodienne investie dans la cause environnementale, sert d'animateur et de représentant pendant ce documentaire, où il rencontre plusieurs décideurs ou spécialistes à de multiples endroits du monde. L'acteur est officiellement ambassadeur des questions climatiques chargé par l'ONU – on le voit passer au début et à la fin du film au siège des Nations Unies. Les constats sont alarmistes mais pas désespérés. Le film va droit au but, la réalisation est 'sobrement' lourde, donne des chiffres et termes précis sans en rajouter dans l'émotionnel. DiCaprio fait un peu son numéro mais ne tire pas la couverture à soi et est là pour être sciemment un outil, un passeur tout au plus.
Le tableau dressé est clair, factuel, même s'il tient aussi du spectacle 'liberal', égratignant au passage les gardiens républicains liés aux grandes firmes privées (et, encore plus typique, revenant au méthane lorsqu'il évoque l'élevage bovin). Le film présente l'état actuel à plusieurs endroits du monde. Il fait le bilan des décennies récentes (disparition de 50% des coraux, etc) et évoque les principaux points 'chauds' : la menace d'engloutissement des îles du Pacifique, le rétrécissement de la calotte glaciaire, les incendies délibérées dans les grandes forêts pour créer de l'huile de palme. Le déréglage du climat se passe plus vite que prévu : le « point de bascule » approche et se voit avec la fonte de la glace au Groenland. Des faits purs et durs sont invoqués – les sceptiques n'ont plus qu'à regarder. L'usage massif du charbon en Inde, ou les pratiques des pays en plein boom économique, sont évoqués rapidement. En oubliant pas le problème des enjeux de puissance qui tendent à rendre obsolètes tous projets de ré-équilibrage ; car les USA ou les Européens auront du mal à défendre les 'petits' goulus de passer par leurs propres erreurs. A contrario, l'inquiétude en Chine serait assortie d'une marche 'dans le bon sens'. Selon le narrateur, les médias et la population sont impliqués, le gouvernement emploie des énergies renouvelables. Pourquoi ces flatteries ? Concession, manière d'amadouer, billard à trois bandes ?
Des pratiques, de particuliers et surtout d'entreprises, sont dénoncées. D'autres sont recommandées. Si le consommateur de viande se met à préférer le poulet au bœuf, il diminuera ses émissions de 80% (et libérera du paysage, puisque l'élevage de volailles demande radicalement moins de terrain). Le solaire est évoqué. Le directeur de l'entreprise Tesla plaide pour la taxe carbone ; avec le soutien de Gregory Mankiw, professeur d'économie à Harvard. Ce dernier annonce le dé-tricotage des cotisation sociales en échange ; l'aile gauche des spectateurs pourra être embarrassée. La croyance dans la démocratie, la responsabilité et le marché peut faire rêver en théorie, mais face à la réalité laisse dans l'expectative. Au passage le film montre l'opposition au combat environnemental et ses relais dans les médias ; elle indique aussi que les représentants politiques acquis au climato-scepticisme sont souvent payés pour ça, donne des noms et des chiffres. Au-delà des pratiques courantes, il y a l'ennemi public ultime, non-humain : la combustion des énergies fossiles est la cible principale. La Cop21 récemment conclue à Paris est tenue pour saine et rassurante, mais ne doit être qu'une étape.
Les méthodes et les ambitions défendues par Avant le déluge sont plus qu'honorables, mais l'équipe sur laquelle le film repose est douteuse. Les allées-et-venues de DiCaprio se passent dans une bulle avec les autorités et experts bienveillants (avec même une rencontre d'Obama). Home glissait son idéologie, Avant le déluge introduit ses figures-clés. Ce documentaire reste évasif ou flexible sur le plan des idées ou des grands principes abstraits, mais convoque des personnalités peu crédibles, voire peu recommandables comme le Pape (dont une récupération si facile par la gauche altermondialiste -certes celle de salon ici- devrait interroger les catholiques, décidément les dindons de la farce publique). La rencontre avec ce dernier est assez étrange, puisque le ton est mielleux, pendant que DiCaprio met une illustration de Bosch sous le nez du Pape. Ce doc donnerait-il dans l'ironie très partiale, sous la couche civique et passe-partout ?
Dans tous les cas, il a clairement l'allure d'un produit de bonne volonté rangé pour l'establishment. C'est probablement la meilleure option lorsqu'on a des urgences à servir. Cependant cette complaisance semble débordante et le film ramène à la sacralisation du vote, en lui prêtant la toute-puissance imaginable dans le réel. À la fin le DiCaprio nous explique comment s'impliquer : utiliser notre pouvoir d'électeur, or la prochaine occasion datait du 8 novembre, soit une semaine après la sortie du film. Même s'il n'y a rien sur l'actualité politique des USA ou sur la campagne des présidentielles, même s'il omet l'existence de Clinton et Trump, Avant le déluge suggère des préférences et un camp précis. Le vote sera démocrate (ou acquis à l'élite 'international liberal'), sans le dire mais par défaut (comme American Nightmare 3 en début d'année, sur des thèmes sociaux) ; aujourd'hui et demain. En plus de cette connexion précise, on peut se demander ce qu'Avant le déluge couve ou élude ; mais l'enjeu écologique est là. La séance se ferme sur un rappel des actions politiques et individuelles à mener.
https://zogarok.wordpress.com/2016/11/15/avant-le-deluge-2016/