Depuis son couronnement de roi du monde, on pensait James Cameron à jamais prisonnier de son obsession des fonds marins et des fantômes du tristement célèbre Titanic en particulier. Bien tranquille dans son coin, le bougre nous préparait en fait ce que les médias ne tarderaient pas à nous vendre comme une révolution dans un paysage cinématographique bien morne. Malgré son carton colossal au box-office et une avalanche de critiques dithyrambiques (les tomates viendront plus tard), la révolution a-t-elle bien eu lieu ?
Personnellement, je préfèrerais parler de transcendance, de réappropriation d'éléments anciens afin de dynamiter une industrie et un genre se reposant bien trop sur leurs lauriers. Transcendance en ce qui concerne d'abord les outils techniques. Ne prétendant à aucun moment inventer l'eau chaude, James Cameron utilise des techniques vieilles de plusieurs années déjà mais va justement les pousser à leur paroxysme, qu'il s'agisse de la motion capture ou de la stéréoscopie.
De la première, jusqu'alors utilisée pour recréer le plus fidèlement possible des éléments ou des êtres déjà existants, il va s'en servir pour créer de toute pièce un monde imaginaire bien à lui, des créatures, une flore, un écosystème totalement original, basé il est vrai sur diverses cultures. Quant à l'outil 3D, jusque là réservé à des projections Imax ou à des productions bien précises (films d'horreur ou d'animation), il va le faire sortir de sa condition de simple gadget pour l'intégrer pleinement à sa mise en scène, en faire la pierre angulaire de son édifice, le rendre indispensable, redéfinissant par la même occasion la grammaire cinématographique.
Ensuite, transcendance il y a en ce qui concerne un récit jugé hâtivement inexistant. Si le scénario du film de Cameron repose effectivement sur un canevas simple, sa construction reste un modèle d'écriture, de dramaturgie, de simplicité, Cameron utilisant, comme l'avait fait George Lucas avant lui, divers genres pour mieux se les réapproprier, pour donner naissance à un monde rarement vu sur nos écrans.
Piochant aussi bien dans le mythe de Pocahontas, que dans le space-opera à la "John Carter" ou "Flash Gordon" ou encore dans le western pro-indien des 70's, "Avatar" revient à l'essence même du cinéma, à un émerveillement simple et généreux, à un premier degré devenu rare sur des écrans envahit par un post-modernisme cynique et conscient de ses effets, rappelant ainsi le travail de Peter Jackson sur la trilogie du "Seigneur des anneaux".
Spectacle total et grandiose dont la dimension épique suinte par tous les pores, "Avatar" est surtout un parcours initiatique émouvant parfaitement en lien avec le reste de la filmographie de Cameron, celui d'un homme incomplet aussi bien physiquement qu'émotionnellement, mais qui trouvera un second souffle et une nouvelle raison de vivre par le biais d'un nouvel univers, d'une nouvelle fratrie.
Dans le rôle principal, l'inconnu Sam Worthington fait preuve d'un talent indéniable et d'une fraîcheur certaine, bien épaulé qu'il est par Zoé Saldana (son meilleur rôle à ce jour), le revenant Stephen Lang, la sous-exploitée Michelle Rodriguez et l'incontournable Sigourney Weaver.
Bien loin d'être un simple blockbuster décérébré style "Transformers" comme l'auront jugé après coup quelques esprits chagrins ayant visiblement de la merde dans les yeux, "Avatar", par la grâce d'une mise en scène intelligente et aérienne, ainsi que par des effets spéciaux impeccables parvenant à rendre crédible et vivant le monde de synthèse imaginé par Cameron, est une fable certes naïve et imparfaite mais diablement efficace et honnête, d'un bel humanisme, prônant le respect et la compréhension entre les ethnies et la nature qui nous entoure, une grosse machine faite évidemment pour rapporter un maximum de pognon mais qui, en échange, propose à ses spectateurs une évasion comme on voit bien trop peu par les temps qui courent.