Décembre 2019 : Oui ! James "top-of-the-world" Cameron, ce diable d'homme, a encore réussi son pari avec son stupéfiant Avatar : faire progresser encore d'un pas "l'expérience" du cinéma en salle (car c'est bien là qu'il fallait découvrir - et en relief, s'il vous plaît... - ce film "monstrueux"). Pendant près de 3 heures, qui passent comme un souffle d'air, nous voici merveilleusement immergés dans une planète inconnue dont nous découvrons peu à peu tous les démons et merveilles. Pour n'importe quel amateur de SF, pour quiconque ayant su garder une âme d'enfant, ces 3 heures constituent une sorte d'aboutissement inespéré, et pour cela, tout le temps et tout l'argent investis pour créer cette folie qu'est Avatar se trouvent justifiés. Au-delà de la technologie au service du film, que l'on oublie rapidement, c'est l'efficacité d'un récit certes conventionnel, voire "binaire", autour de préoccupations écologiques et de culpabilité américaine, mais surtout c'est la mise en scène (classique) de Cameron qui triomphent à chaque instant.
Une fois remis de cette jouissive partie de montagnes russes, c'est le radicalisme "politique" d'Avatar, son pessimisme intégral, à peine caché derrière un "happy end" au goût amer (il faut trahir les siens pour pouvoir vivre - pour combien de temps ? - en accord avec ses principes, écologiques, politiques…) qui nous restent en tête.. Le mea culpa auquel se livre Cameron couvre l'histoire entière de l'Amérique, depuis les indiens, source d'inspiration directe du peuple Na'vi (on pense ici d'ailleurs beaucoup à Danse avec les Loups ou à Pocahontas) jusqu'à l'Irak, directement cité à travers la reprise de phrases de Bush.
Mais l’une des plus belles réussites de Cameron, et ce qui semble expliquer le succès colossal presque inattendu du film à travers le monde, c’est la manière dont il conduit le spectateur à accompagner pas à pas le héros du film dans sa découvert émerveillée d’un monde « autre » (ou plutôt « originel », où l’équilibre naturel est encore préservé)... en jouant avec la durée, en permettant – grâce à la technologie 3-D – le partage même de l’expérience visuelle, auditive, tactile presque... bref en rendant non seulement crédible, mais furieusement empathique le phénomène de la conversion... C’est en cela que Avatar dépasse Danse avec les Loups ou Lawrence d’Arabie, deux films aux thèmes proches, la découverte de l’autre, de sa culture, de sa superbe différence qui permet de se retrouver soi-même : le récit devient ici un moment littéralement « vécu » plutôt que simplement « montré », même de manière spectaculaire...
Avatar a été le film antiraciste le plus nécessaire de 2009, une œuvre certes simple mais puissante, qui nous dit que, pourvu qu’on prenne le temps de vivre avec l’Autre, on l’aimera forcément.
On attend maintenant la suite, promise par Cameron, puisque notre inquiétude devant la situation écologique et politique de la planète est loin d'avoir diminué au cours de la dernière décennie.
[Critique recomposée en 2020, à partir de notes prises en 2009 et 2010]