épisode filler
Je suis, moi aussi, allé communier à la grand-messe du cinéma et je me dis que c'est pas possible... Il faut interdire James Cameron d'approcher de près ou de loin d'un outil scripteur (quel qu'il...
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le 20 déc. 2022
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Trois points négatifs sur lesquels je voulais m’attarder concernant le film, quand bien même je lui trouve des qualités :
Premier point : les Navi’s ne sont pas des extraterrestres
L’imaginaire de Cameron concernant les Navi’s et la famille Sully est si pauvre qu’il m’a empêché de voyager pleinement. Après tout, ce qu’on nous montre ce sont des extra-terrestres du futur, vivant sur une planète lointaine, évoluant loin des hommes, et pourtant !
Pourtant on ne sort jamais du cliché de la famille nucléaire patriarcale / pub de Ricoré / à la Charles Ingals. On a ici le bon patriarche qui apprend la chasse à ses enfants (c’est d’ailleurs le seul souvenir qu’il aura de son fils à la fin). Un père qui est le centre de la famille, qui donne des ordres à ses enfants et les engueule. On a une mère qui n’existe pas en dehors de son rapport à ses enfants. On a même une cheffe de tribu qui n’a pas vu son toulmouk depuis longtemps mais qui lui parle uniquement de ses enfants. C’est leur seule conversation
Tous les personnages sont impactés à leur manière par la pauvreté de cet imaginaire. La mère Sully devient un personnage chiant comme la pluie, alors que dans le premier Avatar elle était le personnage le plus intéressant. Les ados garçons sont des ados garçons, tout ce qu’on peut attendre de l’archétype simple de deux ados. Le plus grand est le plus mature, il est entré dans l’âge adulte c’est un premier de la classe. Le deuxième, étant plus jeune, a les hormones qui le travaille (il fait des eye contacts à la fille du chef de la tribu) et il est un peu rebel, car c’est ça les garçons, ça n’écoute pas toujours. On a également une ado qui se cherche (le perso que j’ai préféré bien qu’elle reste également dans un stéréotype éculé) et enfin, une petite fille trop mignonne car les petites filles c’est trop mignon. Cette famille a tous les attributs d’une représentation traditionnelle des humains. Ils parlent comme des ados d’une série Netflix et se tournent autour comme dans un film de campus. À un moment, un des gosses fait même un doigt d’honneur.
Ce que j’essaie de soulever ici, c’est l’idée qu’on a ici des extraterrestres plus terrestres que les humains. Le côté « extra » des extraterrestres est passé à l’acide chloridrique. Les dialogues, les réactions et les interactions entre les personnages sont hallucinantes. Si tu coupes l’image, que tu écoutes juste les dialogues, t’as l’impression d’être dans « Ma famille d’abord » sur M6. Si bien que certains dialogues m’ont sorti du film tellement ils étaient attendus, propres aux stéréotypes des personnages du film. Ils ne sortent jamais de ces stéréotypes. Des stéréotypes divers, qui font que certains personnages peuvent nous plaire - et l’immersion peut aider à cela – mais des stéréotypes quand même. La famille Navi’s est terriblement humaine… et chacun ne sort jamais de son stéréotype (surtout les adultes).
S’ajoute à cela une autre dimension. Les Na’vis ont des tatouages haitiens, ils font des bruits d’indiens. Quand ils se battent ils utilisent encore des flèches et des arcs (alors qu’ils s’étaient faits attaquer par des avions et des tanks dans le film précédent). Bref, Cameron abuse de signifiants sur les cultures « primitives » non blanches sans non plus aller trop loin dans sa démarche car il prend bien soin d’évacuer toute la violence de ces sociétés, et donc d’évacuer tout ce qui pourrait déranger le spectateur. Il n’offre qu’une autre représentation fantasmée qu’ont les occidentaux sur ces cultures.
Famille classique (éculée dans la fiction) et techniques primitive, tout cela nous renvoie à des constructions humaines. Rien qui ne soit vraiment un voyage vers l’ailleurs, vers Pandora
Moi j’aurais aimé que ces Sully m’échappent un peu, j’aurais apprécié aimé ne pas tout à fait les comprendre, être un peu déstabilisé comme je peux l’être face à la découverte d’une autre culture. À aucun moment ce n’est le cas.
Deuxième point : ce n’est pas une fable écolo
Une fois qu’on a ça en tête on comprend que le film n’est pas une fable écologique.
Les Navi’s étant plus humains que des humains (avec à leur tête la famille Sully, soit la famille nucléaire traditionnelle-classique), il a fallu pour le coup mettre en face des humains qui ne soient pas tellement humains justement. Les terriens ne sont qu’une masse informe que l’on ne voit jamais.
On ne voit jamais la terre, on ne comprend pas ce qui s’y vit là-bas, et pourquoi les terriens ont tant besoin des ressources de Pandora. Les hommes sortent du ciel comme les méchants d’Avengers ; et au fond ils ne sont pas plus consistants qu’eux. Le film ne donne pas la moindre chance aux humains, ils ne sont d’ailleurs représentés que par les pires des représentants, à savoir : des militaires (bourrins) et des gens qui tuent des espèces sous marines.
À partir de là, pour moi le film n’est plus une fable écologique. Une fable écologique te proposerait d’aller à la rencontre de l’Autre, de chercher à le comprendre, de te sensibiliser à sa réalité même s’il est différent de toi. Une fable écologique te dirait : « sois sensible à cet arbre, à cette espèce animale, à cette ethnie bien qu’elle soit différente de toi. Accorde-lui autant de respect qu’à ceux qui te ressemblent ». C’est la base de la pensée antispéciste.
Tolérer l’autre c’est tolérer celui qui est différent de nous, qui n’a pas les même coutumes, n’a pas les même traditions, ni les mêmes interdits …
Ici, chacun étant assigné à un trope scénaristiquement confortable, la fable écologique ne marche pas. De même pour le discours de tolérance sur l’accueil des réfugiés. Actuellement nous sommes bien placés pour savoir que les gens qui s’opposent à l’accueil des réfugiés se défendent souvent en invoquant l’idée que la culture des étrangers étant trop différente, elle en devient une menace pour la nôtre. Mais lutte-t-on contre cette idée et prône-t-on vraiment une idée d’ouverture vers l’autre lorsqu’on nous montre ainsi que l' étranger, l'alien est encore plus intégré que nous à notre culture ? La question est rhétorique.
Également toute la faune et la flore est au service des habitants de l'île. Elle n'est jamais étrange et menacante. Elle est ''domptée'' pour servir et satisfaire le peuple Na'vi. Dans la vraie vie, la faune et la flore peuvent nous empoisonner, nous tuer.... Prenons le seul être de la faune et la flore de Pandora qui ne sert pas au bien être d'un personnage ou qui ne soit pas à son service à savoir un espèce de requin qui veut manger un des fils Sully. On constate deux choses : 1) C'est un toulmouk qui vient lui sauver la vie comme une créature qui cherche ase racheter auprès des hommes (Na'vis) donc cet animal on l'apprécie car il veut servir les hommes. 2) Le requin qui veut se nourrir, c'est la nature, ils sont pas végétariens , se fait tuer par le toulmouk et le film est bien content qu'il meure. Une fois mort, le fils Sully est sauf et c'est tout ce qui compte, il est pas question de s'attarder sur la mort du requin qui est mort car il allait naturellement manger son repas. Même pas un dialogue pour dire que c'est naturel qu'une telle espèce se nourrisse de chair. Ca n'n'interesse pas le spectateur ce qui compte c'est seulement notre humain (Na'vi), tout est centré autour de cette espèce. La faune et la flore doivent être à leur service sinon elle finit en lambeau. Bon le film n'est donc pas un appel à défendre la faune et la flore.
Troisième point : Cameron use de mauvais choix pour maintenir la binarité de son film et ne pas salir la famille Sully.
Cameron doit être terrifié que son film ne soit pas binaire et donc il le musèle pour éviter toute ambiguïté, et écarter toute complexité morale qui l’aurait rendu un tant soit peu intéressant.
Tout le film est comme ça.
Pourquoi les militaires ne s’en prennent pas à la forêt de Pandora attaquée dans le premier film ? Pour éviter au spectateur d’avoir à porter une réflexion morale sur les actes des Sully.
Bien sûr, ils peuvent justifier la chose comme ils le veulent dans le scénario, avec plus ou moins de cohérence. Au fond, la raison est là. Les Sully fuient la forêt, et laissent tomber leur peuple pour aller se cacher. Les militaires devraient logiquement attaquer la foret en l’absence des chefs de guerre, et donc le peuple se ferait défoncer par les militaires. Jake Sully aurait donc sauvé sa famille mais perdu toute une immense tribu. Si c’était le cas, la situation serait moralement difficile. Le spectateur pourrait trouver les Sully un peu lâches, il pourrait montrer un peu d’animosité envers eux, être un peu embêté par leur comportement… Donc le film se refuse ça et évite ce sujet. Il le contourne.
À un moment, les militaires bourrins cherchent Jake Sully et pénètrent une tribu. Ils ne tueront personne. Ils brûleront bien des forêts mais ne tueront personne. La fuite de Jake Sully n’a pas eu d’autre conséquence sur cette tribu que des dégâts matériels.
La famille Sully arrive chez le peuple de l’eau. On le ne verra JAMAIS. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils ? Ou se retrouvent-ils ? Quelles sont leurs habitudes ? On ne le saura pas. On ne suivra que la famille du chef de la tribu et des amis du fils.
Pourquoi ne voit-on pas ce peuple ? Je pense que si c’était le cas, que si par exemple on suivait quelques personnages lambdas, qui n’auraient pas été décisionnaire dans le fait d’accueillir la famille Sully (puisque seuls les chefs le sont), on aurait vu qu’à la fin ils se battent pour un conflit qui n’est pas le leur.
Pour protéger sa famille, Jake entraine la mort de familles innocentes. Voir le peuple de l’eau aurait obligé le spectateur à trainer parmi elles. Je pense que ne pas s’y intéresser est un procédé du film pour ne pas s’y attacher et donc ne pas soudainement éveiller un soupçon d’ambigüité morale chez le spectateur.
On notera d’ailleurs que dans la famille du peuple de l’eau que l’on suit, aucun personnage ne meurt durant le combat. Jake Sully ne cause aucun dommage collatéral quand bien même il importe son conflit avec Quartich. Pendant la bataille, on note en second plan que des personnages guerriers meurent, mais on s’en fout, on ne sait même pas qui ils sont. À la fin d’ailleurs, il n’est pas question de rendre hommage aux soldats morts pendant la bataille car je le répète : il ne faudrait surtout pas salir Jake Sully.
Alors oui, on va me répondre qu’il y a quand même un mort, et pas n’importe lequel ! L’aîné de Sully. Déjà c’est prévisible car c’est le fils parfait, c’est le Robb Stark de Game of Thrones, les autres doivent apprendre sur eux-mêmes ou se perfectionner, lui est déjà parfait donc c’est une figure qui va obligatoirement mourir, son personnage n’a plus de développement, il a atteint son potentiel scénaristique.
C’est le membre de la famille le plus responsable, adulte conscient, guerrier entrainé. On l’a vu toujours prêt pour l’action donc sa mort est de sa propre responsabilité. Si on avait tué la petite fille trop chou qui n’a rien demandé et qui ne sait pas se battre, la chose aurait été bien différente.
Je maintiens donc que le film évite clairement tout ce qui peut entacher l’image de Sully. Il ne veut donc surtout pas sortir de sa binarité, mais pas seulement.
Je disais aussi plus haut qu’on ne voit jamais les terriens ni la terre. Les seuls terriens représentés sont des militaires timbrés. Pourquoi ? Parceque si on les voyait, si on voyait des humains non méchants, par exemple des militaires en train de mourir de faim, de galérer à cause de ressources manquantes, le spectateur risquerait de comprendre un peu plus le choix d’explorer des ressources de Pandora. Ça ne veut pas dire qu’il basculerait automatiquement dans le camp humain mais le film perdrait beaucoup de sa binarité et sûrement que Cameron en serait terrifié.
C’est quand même drôle un film « écologique » qui se refuse de filmer la terre en train de dépérir à cause de l’épuisement des ressources engendrés par les humains. Ca serait intéressant de voir ca. Ca n’apparait surtout pas.
Conclusion
Voilà j’ai dit ce que j’avais à dire. Ces points de vue, je ne les ai lus nulle part. J’aurais pu évidemment parler de plein d’autres choses - de points positifs par exemple - mais ça n’aurait rien apporté de plus à ce qui se dit à droite à gauche. Je tenais donc à me concentrer sur ces 3 points.
Sinon j’ai quand même apprécié le film. J’aime beaucoup ces 45 dernières minutes et les scènes sous marines. Je mets 5 pour que la critique soit visible mais le film vaut plus.
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le 21 déc. 2022
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