épisode filler
Je suis, moi aussi, allé communier à la grand-messe du cinéma et je me dis que c'est pas possible... Il faut interdire James Cameron d'approcher de près ou de loin d'un outil scripteur (quel qu'il...
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le 20 déc. 2022
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Après 13 ans d’attente, de retard, de délai, James Cameron nous renvoie enfin sur Pandora, avec la plus grande question de la décennie : réussira-t-il son pari ? On parle d’un réalisateur derrière deux des suites les plus légendaires du cinéma, ainsi que deux des plus gros succès du box-office alors que les films étaient annoncées comme des échecs cuisants. Avec Avatar – La Voie de l’eau, ce n’est pas moins que la combinaison des deux : la suite parviendra-t-elle à se hausser au niveau de l’original ? est-ce que le film sera un carton au box-office ? Après deux semaines, la seconde question semble déjà être entendue. Quant à la première ? Disons que les deux se valent à peu près.
Visuellement, le film est une simple tuerie. Le prologue d’une dizaine de minutes enterre purement et simplement tout ce qui a été fait au cours de la décennie précédente, sans même donner l’impression de forcer. Le reste du film ne fera qu’enfoncer le clou. Le film a été conçu pour être vu et expérimenté en IMAX 3D, et est clairement le seul à exploiter au mieux son support. La clarté de l’image est incroyable, sa fluidité presque dérangeante, les effets spéciaux sont d’un réalisme et d’une netteté inégalée, donnant vie une fois de plus à Pandora. Que ce soit la forêt ou les océans, les décors grouillent de vie, de dynamique… Ce sont de véritables environnement dans lesquels on est projeté et où l’immersion est totale. Impossible de distinguer décors réels et décors numériques, impensable de reconnaître ce qui est tourné en réel ou non. Une fois de plus, Cameron repousse les limites du technologiquement possible pour créer une expérience unique. Seul petit bémol, la musique, qui sonne bien creuse, discrète, noyée au milieu de thèmes originaux réutilisés sans grande originalité. Mise en scène et montage ne deviennent que des outils pour nous immerger dans cet océan de toute beauté, digne de documentaires animaliers.
Car, en fin de compte, c’est bien là le principal soucis du film. Encore une fois. Son intrigue. Si l’aspect « white savior narrative » est moins omniprésente, si les enjeux diffèrent de ce qu’on a eu l’habitude de voir dernièrement dans le grand spectacle – apportant certes un petit rafraîchissement –, si l’intrigue est assez prenante et rythmée pour ne créer aucune véritable longueur malgré la durée conséquente du film, si on se laisse porter et immerger dans cette aventure familiale ; les défauts inhérents à l’écriture n’en deviennent que plus visible. Car si Cameron parvient à merveille à nous envoyer sur Pandora et ses environnements foisonnants, quitte à prendre son temps pour poser ses règles et à insérer des scènes qui n’ont pour unique but que de nous émerveiller encore plus de temps de merveille ; force est de constater que l’intrigue reste de façon générale très générique.
Après la déforestation, place à la chasse à la baleine, toujours aussi déchirante mais sans aucune subtilité, jusqu’à même réutiliser exactement le même McGuffin ! Ce qui pose même à se questionner sur la cohérence générale de l’univers. Les personnages demeurent dans un carcan manichéen et n’en sortent pratiquement pas, ou alors pour y revenir presque aussitôt. Les clichés scénaristiques s’enchaînent et s’accumulent, mais ne sont jamais vraiment remis en question, si bien qu’on peut même s’amuser à cocher un bingo (genre la relation et la dynamique entre les deux frères, déjà usée à la moelle depuis des années). Sans oublier la nécessité d’introduire tout un tas de nouveaux personnages, mais entre ceux qui sont à peine développés, ceux qui n’ont que pour rôle de mourir, il ne reste que les spectateurs.
On retiendra notamment le dernier acte du film, qui nous amène une immense bataille et révolution des peuples – reprenant une fois de plus la dynamique du premier –, mais qui au bout d’un moment, sans réelle raison, décide de les oublier. Sont-ils rentrés en laissant Sully derrière ? Attendent-ils sagement un peu plus loin, sur leurs montures, à grignoter du pop-corn en regardant l’épave en feu couler avec leurs amis/enfants ? Le mystère reste entier, ou bien on retrouve un cas classique d’une histoire avec beaucoup trop de personnages qui ne sait pas quoi en faire et décide donc de les oublier. Dans le même cas, on peut citer la tribu de la forêt qui, une fois abandonnée, ne revient plus du tout alors qu’on imagine très mal qu’elle ne soit plus impliquée dans l’intrigue (genre, les humains les ont laissés tranquille ?).
Cameron annonçait que l’un des thèmes centraux de son histoire était la famille et la paternité, mais on réalise très vite que ceux-ci sont avortés. Cameron nous donne trois différentes figures de cette paternité, et aucune ne fonctionne, toute son dysfonctionnel : le père qui ne communique presque pas avec ses enfants, les élève et les traite comme de bons petits soldats, et qui n’arrête pas de dire qu’il va s’en occuper mais n’en fait rien ; le père qui renie quasiment son fils pour n’en faire qu’un pion dans son désir de vengeance ; et puis celui qui n’en a visiblement rien à faire. Trois cas, trois échecs cuisants, bien toxiques au passage. La paternité selon Cameron est d’un triste qu’elle en devient gênante. Et en plus de se planter dessus, il en oublie de développer ce qui aurait pu être vraiment intéressant, tels que les questionnements de Quaritch sur son identité (traités par-dessus la jambe dans le premier tier du film avant d’être oubliés pour le reste).
À cette vision est donc aussi couplée celle de la famille, et donc par extension du rôle de la femme… Et bon sang, quelle désolation là aussi. Alors oui, Cameron prétend avoir mis à l’écran une version du féminisme différent de ce qu’on peut voir dans d’autres tentpoles, affirmant qu’elle y est « à son meilleur ». Bah on va pas se mentir, ça fait un peu peur. Ah, on se congratule d’avoir représenté une femme enceinte aller en première ligne du front ? Oui, bravo… C’est oublié que ledit personnage disparaît de ladite bataille au bout de cinq minutes (sur près d’une heure), qu’on ne l’y voit rien faire de réellement concret, qu’elle est présentée pendant le reste du film comme une sorte d’antagoniste qui s’oppose à l’arrivée et l’inclusion des Sully dans sa communauté ; et que les quelques fois où on la voit, elle apparaît comme la détentrice d’un savoir ancien et sacré, qui est ignoré ou dénigré par le héros quand on fait appel à elle. C’est oublié que ledit personnage ne décide de se rallier au héros que sur le coup de la colère (le nouveau concept de la baleine dans le frigo), comme si cela était la seule façon pour elle de défendre ses intérêt.
Dans le lot, n’oublions surtout pas Neytiri, carrément mise en retrait dans le cocon familial, forcée à se plier au dictat de Sully sans avoir son mot à dire malgré ses réticences et ses propres choix, et qui là aussi n’apparaît que pour devenir folle de chagrin et être présentée comme une hystérique rendue invincible par sa colère. Sinon, on la voit à peine pour le reste du film, son rôle est plus que mineur, voire anecdotique, et c’est à peine si elle intervient dans les intrigues liées à ses enfants. Ajoutons dans les nouveaux personnages la gamine qui en fin de compte ne sert qu’à être un McGuffin à libérer, ou encore la fille du chef de clan qui de sa première à dernière apparition se contente d’être un love interest d’une platitude absolue, et forcée de rester toute la fin du film en hors-champs, sur un petit rocher, à veiller sur le cadavre du personnage dont elle ne s’est même pas entiché. Finalement, reste peut-être Kiri qui sort vraiment du lot, mais pour qui on sent que ce film n’était qu’une introduction et que l’arc du personnage ne fait que commencer.
Bref, le principal défaut de cette suite, c’est son intrigue qui certes divertit et nous immerge, mais qui demeure tellement lisse et éclipsée par un visuel complètement foldingue, que ses défauts n’en ressortent que davantage et pas pour le meilleur. L’expérience en IMAX 3D est absolue, tant que ce film ne devrait être vue que sous ce format ; mais à en arriver à un tel résultat, les studios devraient peut-être renégocier le contrat avec Cameron : lui demander de faire un film avec une intrigue solide, et lui laisser après carte blanche pour une série documentaire de 30 heures sur Pandora, ses écosystèmes et ses différentes cultures. Je pense que tout le monde y gagnerait au change.
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Créée
le 29 déc. 2022
Modifiée
le 29 déc. 2022
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