Il est enfin là, le choc des titans, cette fameuse réunion de super héros amorcée en 2008 dans l'adaptation d'Iron Man par John Favreau. Pour préparer le terrain, faire monter la sauce, exciter le chaland, amadouer le spectateur Marvel concocte donc pas moins de 5 films en 4 ans (allant même jusqu'à sacrifier totalement les enjeux dans ce seul but de préparation) mettant en scène les différents protagonistes que l'on retrouve aujourd'hui sous la houlette de Joss Whedon, papa de Buffy Contre les Vampires. Une préparation un peu bancale au regard des différents films, allant du naze au moyen, mais payante si on en juge par la quantité de pognon amassée dans l'opération. Avec ces 5 longues bandes annonces de luxe, Avengers n'a pas le droit à l'erreur. Deux cent millions de dollars en un week-end plus tard on peut dire que Marvel a gagné son pari mais puisqu'on ne juge pas un film à ses entrées (à moins d'être complètement abruti) il ne faut pas oublier qu'il y a un film derrière les records.
Et là, surprise, le tout est supérieur à la somme des ses parties et Avengers tient (presque) toutes ses promesses.
Les avengers ce sont donc Iron Man, Thor, Captain America, Hulk, Hawkeye, La Veuve Noire (Scarlette Johansson, aussi nulle qu'elle est belle) et ils sont accompagnés de Nick Fury ainsi que de quelques assistantes canons (Cobie Smulders en combinaison moulante, ça fait son effet). Des personnalités fortes et des pouvoirs fous pour un mélange explosif.
La grande force du film est qu'il arrive à faire exister tous ces personnages, même Thor et captain America, qui sont un peu fade en comparaison des autres, ont une certaine présence. Bien sûr il y a inévitablement Iron Man/Tony Stark et Hulk qui émergent du groupe. Tony Stark parce qu'il a les meilleurs vannes du film, que Robert Downey Jr. est excellent et que les séquences de vol de l'homme-fer sont impressionnantes. Hulk parce qu'enfin c'est Hulk. Joss Whedon arrive en une poignée de séquences à offrir plus d'épaisseur au personnage que les deux films réunis qui lui sont consacrés. Bien sûr il y a Mark Ruffalo en Banner mais surtout lorsque le géant vert apparaît qu'on constate la réussite. Il défonce tout, sans réfléchir, dans une orgie de fureur et de fracas réjouissante. Mais même si ces deux personnages sont plus intéressants que le reste ils n'écrasent jamais les autres avengers. L'équilibre entre eux est bien maintenu tout le long du film. Les relations qui les lient sont également plutôt bien senties, mélangeant rivalité et camaraderie évitant ainsi une exploitation trop linéaire du concept. A ce titre la première rencontre entre Iron Man et Thor est assez remarquable.
L'autre grande réussite du film ce sont ses séquences d'action. Hypertrophiées, fluides, amples, intenses, lisibles, ludiques... elles enterrent tout ce que les autres blockbusters hollywoodiens de cette envergure ont produit depuis de nombreuses années. Si le film démarre plutôt lentement il fini en apothéose dans un feu d'artifice d'explosions, de bastons et de pirouettes en tout genre. Là encore l'équilibre des forces est maintenu et chacun aura son moment de gloire même si, inévitablement, on retiendra surtout les jouissives interventions de Hulk et les folles envolées d'Iron Man. Les nombreux effets spéciaux assurent bien et offrent des séquences restituant bien toute la démesure des comics books papier. Whedon témoigne d'un sens aigu du spectaculaire avec des plans judicieux et un montage élégant soulignant systématiquement l'action sans sacrifier la lisibilité du champ de bataille.
Bien qu'inexpérimenté dans l'exercice délicat du gros blockbuster au planning serré Joss Whedon s'en tire bien mieux que toute la génération de tâcherons (les Bay, les Wiseman, les Rattner, etc...) que l'on subit depuis prêt de 15 ans.
Cependant tout n'est pas rose au pays des super-héros. Loki est un méchant particulièrement nul. On nous le dit cruel mais on ne le voit jamais comme tel, ses motivations sont complètement absentes du film si bien qu'on imagine qu'il veut détruire la Terre pour se venger de son costumier qui, il est vrai, lui a joué un sale tour avec cette tenue digne des pires sentaï. Tom Hiddleston a beau froncer du sourcil autant qu'il peut (il ne fait pratiquement que ça), on n'y croit pas une seconde, son personnage reste désespéremment creux.
Plus tard on a une race extra-terrestre qui arrive pour faire la bagarre mais là encore on ne sait absolument ni comment, ni pourquoi ils font cela. Certes cela fait de la chair à pâté en grand nombre pour nos héros mais on aurait aimé un minimum de relief. De fait le sentiment d'urgence et de danger qui pousse Nick Fury à rassembler les avengers est tout à fait artificiel, la menace n'inquiète jamais et les enjeux manque donc d'intensité.
Outre l'absence de totale de profondeur et d'intérêt des vilains le film souffre aussi d'un scénario sans grand génie. Un méchant qui se laisse capturer mais personne ne semble intéressé par le piège évident, une capture volontaire dont on cherche encore la finalité réelle, un inénarrable vaisseau-mère qui contrôle une armée entière mais que personne ne prend le soin de défendre, un super pouvoir de contrôle de l'esprit qui s'en va au premier bobo sur la tête... autant de facilités qui font tout de même sourire. Heureusement l'humour omniprésent du film fait passer la pilule et on évite toute la psychologie de comptoir, le patriotisme neuneu ainsi que l'histoire d'amour débile que l'on pouvait redouter.
On regrettera enfin la musique particulièrement transparente d'Alan Silvestri, peu inspirée et trop discrète elle ne souligne que trop peu l'action, dommage.
En se concentrant sur ses héros et sur le groupe hétéroclite qu'ils forment Joss Whedon a bien saisi où se trouvait la force de son film, quand le bonhomme accouche en plus de scènes d'action folles et réjouissantes on ne peut qu'applaudir. Cependant le film ne vole pas très haut à cause de son script bidon, de son côté aseptisé/famillial et de ses méchants totalement ratés. Avengers est l'exemple type du film qui remplit son contrat, ni plus ni moins. Vu la qualité toujours plus exécrable des blockbusters ce genre de bonne surprise tient presque du miracle.
Avengers est donc un divertissement de luxe pépère et agréable, traversé par quelques moments mémorables (Hulk qui rencontre Loki !) qui en mettent plein la vue. On n'en espérait pas tant.
