Une séquence d’ouverture faite d’un noir profond annonce, dès la première seconde, le désespoir qui habite Baby boy Frankie. Pour tout premier contact, une voix off, omnisciente, dissèque sans états d’âme le pauvre bougre qui va être de tous les plans, celui qui s’apprête à ôter la vie pour une énième fois, protégé par cette solitude qu’il aime tant, motivé par la haine qu’il nourrit pour le genre humain. Cette haine qui lui permet de n’éprouver qu’indifférence pour ses victimes au moment où il leur assène le coup de grâce.

Bad Boy Frankie surprend par sa tonalité noire très assumée. Toute sa première partie est baignée par un humour caustique qui prend à partie toutes les conventions sociales régissant à la fois la vie de famille et la vie en communauté. Mais plus que ses dialogues à l’ironie mordante, ce qui force l’admiration dans le film de Allen Baron, c’est sa facilité insolente à alterner sans délai l’ironie mordante et l’illustration très premier degré de la nature humaine dans ce qu’elle a de plus violent. Parce que lorsque le petit Frankie met en sourdine ses pensées, certes radicales, mais amusantes, c’est pour mettre ses gants en vue de zigouiller du barbu sans aucun état d’âme, lors d’un étranglement en plein cadre qui ne fait pas dans la dentelle. Dès lors, le film bascule pour s’offrir une dernière partie d’où le rire est définitivement exclu.

Si ce n’est la storyline dédiée à la recherche d’un amour pratique, qui tire à mon sens le portrait rugueux du tueur asocial vers le bas, ainsi que quelques baisses de rythme qui rappellent que le film est une adaptation de ce qui était à l’origine un court métrage, il n’y a pas grand-chose à jeter de ce baby Boy Frankie. Plié en 1h10, ce polar qui ne paye pas de mine vaut assurément le coup d’œil.

Ce n’est pas pour rien que sa singularité narrative marquera de son empreinte le cinéma de cinéastes réputés par la suite. On pense notamment à Melville, qui offrira au public sa version du thème quelques années plus tard, pour en livrer le chef d’œuvre qu’on ne présente pas et que tout le monde devrait posséder sur ses étagères (oui bon, hein, j’ai le droit de faire mon fanboy en ce lieu censé être ma zone de propagande !).
oso
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le 25 nov. 2014

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oso

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