BAC Nord montre comment un trio de policiers, différents mais complémentaires, vont mener une action au sein d'un bâtiment au beau milieu d'une cité dans les quartiers nord de Marseille, suivit des retombés.
Sans spoilers mais si vous ne voulez rien savoir du tout, évitez.
Petit point mise en scène :
Sans rien réinventer, elle est très simple et efficace. Quand c'est nerveux, que ce soit de l'action ou une tension entre personnages, on est dans une caméra épaule type "documentaire", dans les moments où on s'autorise à se calmer, on passe en plan fixe, et pour commencer une nouvelle séquence, introduire un lieu on se permet de mouvoir la caméra en travelling, drone tout ça. Très simple, rien de nouveau, mais ça a le mérite ici d'être toujours bien utilisé avec un découpage qui s'adapte parfaitement à chaque situation. Même dans les scènes d'actions qui sont très bien agencées, bien travaillées, jamais brouillonnes tout en ayant un sentiment de tension et de progression.
Les personnages :
Je trouve le trio principal assez cool. Ce sont des archétypes, et il n'y a rien de gênant là-dedans. Après tout, utiliser des archétypes permet de jouer sur un terrain où les spectateurs vont immédiatement avoir leurs repères, ce qui te permet d'être beaucoup plus efficace au début de ton récit et de te concentrer tout du long sur autre chose que la psychologie de tes personnages. Seulement le film essaye dans une première partie justement d'approfondir ces trois policiers. Et tenter d'approfondir un archétype ne fait que dévoiler son manque de personnalité.
Le plus important est que ça marche entre les trois. On sait qu'ils sont là les uns pour les autres, c'est tout ce qui compte. C'est étrange de vouloir le montrer à plusieurs reprises sur plusieurs délits car c'est justement ce qui rallonge la première partie alors qu'un exemple en guise d'introduction aurait été très bien. La première scène de course poursuite par exemple.
J'aime assez les enjeux de chacun qui sont liés étroitement à leur personnalité.
Le personnage de Lellouche, qui est un bon acteur mais qui ne m'a jamais laissé bouche bé, est un flic qui aime son boulot, mais qui subit sa hiérarchie. Il veut faire le bien mais on lui répond qu'un vendeur de cigarettes du bled et un chef de la mafia, c'est juste un +1 sur une feuille, aucune différence. Suffisamment terre à terre pour comprendre son inutilité dans ce système, mais pas assez doué pour espérer le changer. Et cette mission qui lui est confiée va lui donner l'illusion d'enfin accomplir quelque chose, d'être un héros.
Celui de Karim Leklou, c'est plus compliqué. L'enjeu est simple, il devient père, donc s'il meurt, ça impact directement d'autres personnes que lui. Ce qui me dérange c'est que son seul but est de ne pas mourir, ce qui est un peu léger. De plus, être père n'est pas un trait de personnalité. Est-ce que ça valait le coup de lui créer une famille pour montrer 5 min Adèle Exarchopoulos (bonne actrice également) qui n'a pas le temps de développer quoi que ce soit de son personnage. C'est peut-être parce que Leklou à le rôle le plus vide que son jeu d'acteur est le moins intéressant. C'est un bon comédien, mais ici on dirait qu'il ne sait pas quoi faire et qu'il n'a que les expressions de base sans aucune nuance à apporter selon la situation.
Je ne vais pas m'attarder sur le personnage de François Civil, on va dire que c'est le simplet du groupe. Ce qui est intéressant avec lui, c'est que son enjeu arrive dans la dernière partie, en tout cas revient. En plus de s'additionner aux deux autres, ce qui lui donne une densité dramatique inattendue et un vrai choix à faire.
La construction :
Mon problème principal est que le film se complique la vie.
Il se découpe en trois parties.
Les présentations et la préparation
L'assaut
Les retombées.
Je trouve la première partie beaucoup trop longue et qu'elle englobe la majorité des problèmes du métrage. Je pense même que c'est à cause de cette partie que ce journaliste écossais pense que le film peut inciter les gens à voter extrême droite, à encourager le racisme. Et oui je vais un peu en parler.
https://www.mouv.fr/cine-series/peut-etre-que-je-vais-voter-le-pen-apres-ca-un-journaliste-irlandais-remet-en-cause-le-film-bac-nord-369017
C'est dû à un problème de représentation de la cité qui contient l'objectif de l'assaut. On a l'impression que c'est une cité comme les autres. On nous explique vite fait que les violences ont augmenté, qu'on règle les problèmes à coups de balles dans la tête et autres exécutions façon cartel des favelas. Seulement en ne posant pas de lieu précis, ce n'est pas une cité particulière qui semble habitée par des dingues, mais bien la banlieue nord entière de Marseille. Bien sûr qu'il y a des zones de violences dans cette ville, mais comme le film ne nomme jamais cette cité, ou alors très brièvement et en tout cas ne la présente pas, elle n'a pas de personnalité, elle ne peut pas faire figure d'antagoniste. Malheureusement je pense que c'est pourtant ce que souhaitait le réalisateur. Il parle de son film comme d'un western moderne (ce qui déjà se débat), et il aurait sûrement gagné à pousser cette idée plus loin. Avoir un bâtiment au centre d'une cité dans laquelle il est déjà compliqué de rentrer, créer un imaginaire, l'équivalent moderne et réinterprété d'une forteresse à infiltrer, à conquérir. Mais ça restera de l'ordre de l'intention.
Raccourcir cette première partie aurait permis de mieux présenter l'objectif qui est donc cet amas de drogue bien supérieur à d'habitude qui va être livré on ne sait où dans cette fameuse cité dont j'ai oublié le nom. Et à ce moment précis commencer à expliquer le danger que représente ce trafic au sein de cet endroit. Que même les habitants normaux défendrons les dealers, pas par peur mais parce qu'ils font en sortent d'être aimé par les gens du quartier. Ce qui est très vaguement survolé dans le film.
Mais globalement, la deuxième partie ne m'a pas dérangée. Tout l'assaut est cool, le danger est permanent, il évolue selon les personnages et les endroits où ils se trouvent, on sent que la progression est lente mais qu'ils sont déterminés car c'est réellement une grosse opération. Le tout dans un montage ultra-clair qui fait qu'on n'est jamais perdu alors qu'on change constamment de point de vue.
Et la troisième partie que je vais survoler car sinon ça spoil, mais c'est celle que je préfère. Elle est longue, je ne m'attendais pas du tout à ça, mais justement, elle prend son temps pour imposer ce nouveau décor. Une fois que c'est fait, le film réinsuffle un nouvel enjeu qui est un élément présent depuis le début mais qui redonne du souffle, presque un nouveau film. Cédric Jimenez semble comprendre qu'il s'agit presque d'une autre histoire alors il relance une intrigue tout en restant accroché au film de base. C'est réussi, on n'a ni l'impression de voir une autre œuvre, ni la sensation d'assister à un prologue trop long.
Je pense que le but était de faire un film d'action avec une dernière partie qui montre certaines conséquences. Il est cependant difficile de ne pas reprocher au film une naïveté sur son sujet, ce qui engendra la question de ce journaliste. Il aurait fallu être plus clair au début du métrage et trouver un moyen d'expliquer au spectateur qu'il n'est pas là pour voir un film social, un petit texte sur fond noir lors des premières secondes, ça n'est pas assez. Il s'est sûrement auto-bloqué par son fameux "inspiré d'une histoire vraie". Car un autre problème que ça engendre, de ne pas vouloir faire de social, c'est que perso, je ne comprends pas en quoi c'est si formidable leur opération de récupérer autant de drogue. On m'expliquera peut-être que ça bloquera je ne sais quel réseau, mais le truc c'est que moi j'y connais rien, et que soit faut m'expliquer, soit faut un autre objectif.
C'est cliché, mais par exemple faire une opération pour récupérer un gros baron de la drogue, sauver une famille prise en otage, un truc où il n'y a même pas besoin de dialogues d'informations pour que je comprenne que c'est important. Ça aurait permis au film des écarts avec la réalité, créer une cité qui n'existe pas, qui aurait modifié ses infrastructures pour empêcher les policiers de passer, faire des scènes de fusillades plus grandes, aller plus loin en somme. Assumer pleinement de faire un western rural avec des antihéros et des gros vilains méchants.
En plus de ça, je déteste ces cartons à la fin des histoires vraies qui racontent la suite de la vie des protagonistes. C'est presque tout le temps forcé, c'est là parce qu'il faut que ce soit là, une ligne de Wikipédia et fin de l'histoire. Une exception par exemple étant L'armée des Ombres, car ces textes viennent souligner le côté inéluctable de la quête de ces résistants, un ultime coup de poing au visage. Dans BAC Nord, ça n'est pas le cas. Ça donne une dernière image assez mauvaise et des informations inutiles.
Go faire un bilan :
J'ai l'impression d'avoir surtout parlé des points négatifs, pourtant je trouve que c'est un film plutôt bon, en plus je trouve chaque partie meilleure que la précédente donc c'est parfait. Ce n'est en rien une claque, que ce soit sur les films policiers (pour ça il y a La loi de Téhéran), la représentation des trafics de drogue (car il y a aussi La loi de Téhéran) et bien que faisant un beau travail sur l'atmosphère oppressante tout du long, il ne fait pas aussi bien que l'œuvre que j'ai cité deux fois auparavant. En arrêtant les comparaisons faciles et gratuites, je dirais que BAC Nord, c'est sympa, bien qu'il ne manque pas grand-chose en réalité pour que ce soit plus que ça. C'est dommage que son réalisateur n'ait pas imaginé un instant que oui, faire des films dans un cadre social aussi complexe que celui de la police en banlieue puisse faire réagir sur autre chose que ses scènes d'action. Je ne sais pas si cette représentation est dangereuse, mais que Cédric Jimenez ne se soit même pas posé la question montre que ce n'est rien de plus que du divertissement. On s'inquiètera quand il sera projeté comme documentaire sur la pauvreté à Marseille.