Salut,
Quelques précisions :
- Je n'ai vu le film qu'une fois.
- Je spoil dans cette critique.
- J'ai essayé de le voir avec le moins d'aprioris possible.
- Je ne suis ni fan ni hater du réalisateur.
- Je suis courageux mais pas téméraire donc je confesse avoir eu la flemme d'aller lire/voir des interviews de l'équipe du film, je vais peut être faire des hypothèses claquées donc vous êtes grand et vaccinés (j'espère) donc je vous laisse faire le tri dans ce que je vais affirmer.
- Je n'aime pas trop me relire donc désolé pour les fautes.
Non ce film n'est pas un tract néo fasciste comme Twitter aime à le répéter et je partage l'agacement de certains quand à cette façon bête et méchante d'absolument tout classifier en "normal" ou "extrême droite" tout sujet un tant soit peu politique.
Ceci dit je ne serai pas non plus tendre avec le film dont je peux résumer sa démarche par la fameuse phrase "ne mets pas sur le dos de la vilenie ce que la bêtise suffit à expliquer".
Ce que je veux dire par là, c'est que je suis intimement convaincu que le réal nous a fait une Mcfly et Carlito à base de "nan mais mon film il est pas politique hein" comme l'indique l'encart de début de film qui se sent le besoin de rajouter en plus de l'habituel "tiré de faits réels" quelque chose comme "ça reste une fiction qui n'a pas pour but de dépeindre une réalité blablabla".
Je vous livre ma théorie.
Je pense sincèrement que le réal n'avait pas vraiment d'ambition militante avec ce film, j'ai la conviction qu'il voulait faire son film d'action/gangster français de la façon la plus libre qui soit, et au diable la vraisemblance.
Sans être expert dans le sujet, on peut sans mal relever de nombreuses caractéristiques du film de gangster vs policier. Deux camps totalement opposés mais avec des méthodes plus ou moins similaires, des méchants très méchants et déshumanisés ainsi que des héros terriblement imparfaits, borderlines à la moralité et aux pratiques douteuses justifiant le tout pour "le bien général".
Ces clichés ne sont pas mauvais en soit du moment que c'est bien fait, des chefs d'œuvres du cinéma jouent la dessus (on peut facilement évoquer Heat ou pas mal de films de Scorsese).
Le truc, c'est que ces films là ne surfent pas sur la carte du "adapté d'un fait divers récent", et c'est ainsi que tout s'effondre pour notre ami BAC Nord.
Il faut bien comprendre que l'aspect politique d'un film comme ça n'est pas juste quelque chose qu'on peut mettre de côté en mode "je vais me concentrer sur le reste", car cet aspect cul entre deux chaises (trop fictif pour être réel mais trop réel pour être fictif) impacte absolument tous les autres éléments principaux du film.
Me montrer des gangsters dénués de toute humanité, pourquoi pas, après tout on a bien fait du Joker ou Dark Vador des icônes pop. Mais quand ces mêmes gangsters sont sensé représenter des quartiers du pays bien réels et bien contemporains, ben ça passe plus difficilement. Si on en croit BAC Nord, une cité c'est 98% de voyous prêt à tuer et 2% de famille éplorées. Dans ce film, les fameux habitants des cités qui souffrent tant ne sont tout simplement jamais montrés (à deux trois exceptions prêt).
Me montrer une équipe de flics aux méthodes borderlines, pourquoi pas, c'est l'occasion d'apprécier des anti héros servant leur propre sens de la justice, après tout on adore Batman et Han Solo pour ça. Le soucis c'est que ces trois flics sont des gens bien réels, ce qui fait qu'on ne peut plus fermer les yeux sur certains points problématiques qui n'ont pas vraiment lieu d'être chez les personnages de pure fiction.
C'est bien gentil de vouloir faire son film d'action pur et brut, en idéalisant à tout va pour rendre le spectacle plus viscéral, mais on ne peut pas (ou on ne doit pas) faire ce qu'on veut lorsque l'on décide de choisir comme contexte quelque chose d'aussi éminemment sensible, actuel et politique que les quartiers chauds de Marseille et leur rapport avec la BAC par le prisme d'une affaire ayant vraiment eu lieu dans la vraie vie.
Le film souffre terriblement de cette schizophrénie car si vous voulez le voir par le prisme "faits réels" vous allez être noyés sous les approximations, les exagérations et l'absence de rigueur intellectuel (il n'y a qu'à comparer avec les tauliers du genre comme La Haine, Divines ou Les Misérables pour s'en rendre compte).
Et si vous voulez le voir par le prisme de l'action purement fictif vous allez alors vous demander ce que vient faire ici cette fin aux allures de "que sont ils devenus" en vous demandant quelle est la morale du film vu que les gentils sont traités comme des méchants de manière complétement gratuite.
Car en voulant à tout prix jouer sur les deux tableaux, le film créer une morale qui ne tient pas debout car la justice est vu comme casse couille. Malgré tout leurs défauts on sait très bien qu'il n'était pas question de trafic de drogue de la part des policiers donc traiter l'aspect judiciaire juste par ce biais est extrêmement frustrant et n'a pour seul but que de créer un sentiment d'injustice et d'empathie avec les flics. Et oui, car pour un film, l'empathie et le sentiment d'injustice chez le spectateur c'est plutôt quelque chose de rechercher, car il faut le marquer le spectateur.
Le film assume son échec par un bout de dialogue que je trouve assez évocateur sur la fin du film (retranscription de tête, donc c'est pas du mot prêt), la juge dit à un policier incriminé :
"Maintenant on sait bien que vous n'êtes pas impliqués dans un trafic de drogue, vous pouvez donc sortir de prison, mais vous êtes quand même impliqués dans d'autres chefs d'accusation elle cite 2-3 exemples"
Là moi, naïvement je me dis que c'est bien, le film recadre quand même sur les torts bels et bien réels des flics qui étaient en mode Juge Dread aka la fin justifie les moyens.
Réponse du flic
"Où est mon chien"
Bam punchline à la Marvel et fin du dialogue.
Voilà le partie pris du film, du sensationnalisme (point de vue qui peut se défendre pour un film d'action) qui saborde complétement l'aspect réel de l'histoire traitée.
Je ne comprends donc pas pourquoi le réal a voulu traiter cette histoire réelle et contemporaine, pourquoi n'a t'il tout simplement pas fait son film d'action dans un contexte purement fictif ou alors plus éloigné temporellement et thématiquement de l'actualité (comme pour son film La French que je n'ai pas vu mais dont les exagérations - si elles existent - n'auraient pas du tout le même impact qu'ici).
Parce que fatalement, quand on fait un peu n'importe quoi sur un sujet aussi sensible avec pour seul argument "oui mais heu c'est surtout de la fiction" et bien ça déchaine beaucoup de monde, qui n'acceptent pas (et ça peut se comprendre) qu'on traite les cités de façon à ce point caricaturale. Forcément ça ouvre le champ libre aux gogols d'extrême droite à qui on sert une caisse de résonnance gratuitement et facilement et qui vont bien être content d'expliquer que "sisi c'est la réalité". Et forcément, les énervés du début vont jeter le bébé avec l'eau du bain car après tout, pourquoi défendre ou donner une chance à un film défendu par l'extrême droite ?
Et c'est dommage, car le réalisateur est loin d'être un manchot avec sa caméra, s'ils use et abuse un peu trop des plans serrés et autres shaky cams (je déteste les shaky cams, c'est caca les shakys cams) et bien force est de reconnaitre que les acteurs sont bon, la tension est bien fichue notamment lors du climax, les scènes d'action sont bien foutus et techniquement parlant il n'y a pas grand chose à redire.
Bref je ne sais pas trop quoi conclure sur BAC Nord, il a des qualités filmiques assez évidentes et je pense sincèrement que le film n'a pas été pensé "pro droite" ou "pro police", le soucis, comme vous l'avez surement compris, c'est qu'à faire n'importe quoi avec des faits réels aussi sensibles et récents et bien tu brouilles tout ton film et chacun y voit un peu le message qu'il veut.
Sur une note un peu plus positive, j'ai vraiment le sentiment que le cinéma français s'essaye avec brio à d'autres genres que la comédie ou le drame sociale. C'est au doigt mouillé que je dis ça mais dernièrement on a eu Titane (que je n'ai pas pu voir encore) qui fait notre fierté nationale en remportant la prestigieuse palme d'or avec un film de genre, Kaamelott qui fait un carton au box office avec un film d'Heroic Fantasy, Boite noire qui est un thriller hyper bien fichu, le dernier voyage belle tentative SF certes plus confidentielle mais qui fait plaisir à voir et maintenant BAC Nord qui se paie le luxe d'assumer haut la main ses scènes d'action.
Voilà, merci d'avoir lu,
Bisous.