L’ambition que revendique Bacurau ne fait aucun doute. Mais l’ambition ne suffit malheureusement pas à faire un grand film, encore moins un bon. Car à trop vouloir mélanger les registres et les genres, à trop vouloir construire un faux mystère et une opacité on ne peut plus artificielle sur les motivations qui poussent à agir les protagonistes, le long-métrage perd de vue son projet politique pour tomber dans les pires travers du grand-guignolesque où explosent aux yeux et aux oreilles des têtes et des corps tout en confortant une vision de l’Histoire récente du Brésil trop manichéenne et ethnocentrique pour vraiment convaincre.
L’étranger est une menace blanche qui transforme son idée de suprématie en motivation cruelle et dégoûtante, soit l’organisation d’une chasse à l’homme qui se termine dans un bain de sang, de cervelles et de tripes. Au cœur du film se tient la thèse d’une purgation de la violence par la violence, la réparation de la barbarie par la barbarie ; aussitôt s’écroule le prétendu message politique, puisque si la démarche du cinéaste reste éminemment manichéenne, la communion dans le sang et par le sang entache la pureté de ce pauvre petit village opprimé et contraint, s’il ne veut pas disparaître, de prendre les armes. Il y a un discours de victimisation doublé d’une hypocrisie congénitale qui légitime le recours à la violence sans, pour autant, abandonner la fable politique pour s’adonner pleinement au divertissement dans ce qu’il peut avoir de décomplexé voire de gratuit.
En résulte une instabilité dommageable qui change Bacurau en pot-pourri de directions mal reliées entre elles par un montage calamiteux et une image voulue clinquante. Reste une bizarrerie générale qui réussit à intriguer le spectateur au cours de sa première heure et qui porte en elle les germes d’une révolte salvatrice à l’encontre du pouvoir brésilien actuellement en place. Une curiosité imparfaite, et qui tire (peut-être) justement sa valeur de son imperfection.