Dessin animé à proscrire aux enfants, Kötü Kedi Şerafettin aka Bad Cat est la relève turque de Garfield et Sausage Party. Son protagoniste est l'alcoolique et égoïste Shero, un truand qui vole, grogne, a une sale trogne et vit en parasite chez Tank, un humain au chômage et aspirant musicien. Il y aura un peu d'argot, des morts (de chats mais aussi d'humains) et des injures, mais aussi un fils dans les pattes et un amour naissant (le premier pour cette brute).
Bad Cat est sorti en 2016 dans son pays puis d'autres en Europe, avant de se répandre via des festivals ou la vidéo, finissant quasiment sa course avec la France en septembre 2017. Il est distribué par Odin's Eyes Entertainment et rempli de références anglo-saxonnes. Internes pour une part : dès le début avec War and peace de Tolstoy sur la table et, au moins dans la VF, l'évocation des '1%' qui se gavent. Les recours à la 'pop culture' et au cinéma hollywoodien sont aussi de la partie, comme d'habitude. Plutôt que Fritz the cat auquel pensent inévitablement les cinéphages, la séance semble imprégnée par les souvenirs de L'arme fatale voire d'Indiana Jones. Il s'en dégage une ambiance de film d'aventure urbain américain des années 1990.
La mise en scène est son point fort, notamment lors des vues aériennes ou acrobatiques, à vol d'oiseau ou à hauteur de rat. L'animation 3D est détaillée, plus proche de l'apparence d'un film réel que du cartoon ou de la série moyenne (ou plus près d'une grosse sortie Pixar qu'un de ses courts) – sans être marquée par un goût particulier. De même le rythme est efficace sans être de bonne qualité. Le film est assez agité pour compenser ses faiblesses en terme de continuité. Les personnages sont peu développés, leurs traits affirmés et expressifs (le dessinateur en zombie vengeur flirte avec le coup de Shocker). Le niveau s'améliore à mesure qu'on s'écarte de Shero ou l'implique dans des conflits.
L'histoire est stagnante, avance par paliers se ressemblant tous. Les vannes récurrentes sur la grosse tête du chat sont gratuites et sans suite : elles illustrent la difficulté du film à grandir son matériau même le plus élémentaire. L'humour est sans génie, les dialogues ne sont pas la priorité et de nombreuses scènes sont bizarrement lentes à se développer, sans gâcher l'énergie. Et finalement le film se montre niais et rassurant (mais toujours enclin au langage cru -via Shero et son camarade rongeur- et aux joies grasses). Il nous fait croire qu'il ose sacrifier des personnages importants violemment, avant de ramener tout le monde à la vie.
Bad Cat est un film remuant mais pas vif pour autant et surtout bien con. Il n'aura fait qu'étaler les grossièretés de base et tout au plus briller dans la vulgarité. Sa subversion relève plus de la 'détente' pour ados. C'est tout aussi voire davantage crétin que Comme des bêtes, mais méchant, quoique très doucement une fois le cirque lancé. Les gens louant sur internet la grande originalité ou la folie remarquable de ce film sont-ils payés par la production ou simplement influencés par l'ambiance ? Reste la surprise première, d'un produit totalement irréligieux malgré sa provenance. Il n'y a qu'en cherchant par là que le film pourra sembler libérateur, jouissif ou audacieux. Dans une ère de crispation politique, il peut effectivement déranger les ouailles du régime, à cause de ce dont il manque plutôt que ce qu'il présente : car il est sans égards pour l'autorité et les logiques puritaines.
C'est à regretter Fritz the cat, plus ambitieux et finalement bien plus potache, ou 'entier' quand il l'était (ce que 'Bad cat' ne peut sans doute pas se permettre, pour des raisons de commerce et de censure). Cette adaptation de BD se confrontait aux productions de la société ; même s'il devait agacer ou décevoir, au moins cet essai était plus sérieusement envisageable comme 'différent'. Kötü Kedi Şerafettin est davantage un film pour la famille, si elle a de grands enfants ('pré-ados') et n'est pas trop 'regardante' ; si elle ne l'est pas pour les livrer à la télévision, il n'y aura pas d'objections pour ce coup-ci.
https://zogarok.wordpress.com/2017/10/25/bad-cat/