On est le 16 septembre 2021 et je revois avec bonheur ce film, que j'avais vu à sa sortie au cinéma. Les impressions que j'en avais gardées sont intactes. Quand je pense à ce film, l'impression générale qui en ressort est celle de sa première image : un serpent qui nage au milieu d'un marigot chaotique.
Le film est focalisé sur le personnage de Terence, inspecteur cocaïnomane, à la fois professionnel et pourri. Et comme le serpent, Terence nage dans le milieu du crime de la Nouvelle Orléans, ses embrouilles immobilières et surtout son trafic de drogue. Il voit passer autour de lui de gros requins (à l'image de l'aquarium géant de la dernière séquence). Lui-même se fait de petits poissons au passage, mais n'hésite pas à utiliser l'appétit des prédateurs pour les faire se dévorer entre eux. Il connaît bien son marigot et s'efforce d'y survivre, même s'il est lui-même souvent défoncé.
Je me souvenais que les scènes avec Eva Mendes étaient très réussies. Je me souvenais adorer la démarche de Cage, son complet crème flottant qui se découpe sur l'horizon gris chargé de pluie de la Nouvelle Orléans, son 357 Magnum enfoncé dans le futal de manière complétement irréaliste et jouissive. Son air complétement jeté par moment.
Je me souvenais particulièrement bien de la scène de la cabane avec Eva Mendes, scène qui est (je le maintiens) une métaphore du cinéma, qui a changé (la lumière que Terence essaie d'allumer en entrant) et qui a perdu de son lustre (la cuillère en argent s'avère rouillée), mais qui reste présent.
J'avais oublié, mais j'ai redécouvert avec jouissance à quel point la fin est délibérément expédiée en happy ending tellement improbable qu'on ne peut qu'en éclater de rire (notamment ce moment où le commissaire en chef arrive extatique avec la pièce à conviction). Clairement une manière pour Herzog de dire "regardez, je me suis bien amusé avec les codes du polar américain, maintenant je peux expédier tous les éléments de résolution à la va-comme-je-te-pousse. Et j'adhère complétement, même si des gens ne comprendront sans doute pas.
Je me souvenais évidemment de la scène de l'iguane. Tous ceux qui ont vu le film s'en souviennent forcément. A juste titre.
Par son esthétique huileuse et grisâtre, par ses interprètes, par son scénario qui dévoie les codes du polar américain, par la ruse d'Herzog, qui a très bien compris ce qui faisait l'originalité et le côté fascinant du film d'Abel Ferrara, Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle Orléans est une suite absolument unique, improbable et miraculeuse à un film qui ne réclamait pas de suite. Je le revois et je le reverrai avec un plaisir égal.