Avec ses cheuveux courts en bataille, ses tenues négligées et sa banane placées sur les hanches, Ana ne semble pas représenter l'image standardisée d'une femme. Lorsque le long plan séquence d'ouverture nous la présente conductrice d'une voiture de sport, qu'un plan très rapproché d'une assiette de petit pois carottes sur lesquels elle elle écrase vigoureusement kiris et ketchup (plan répugnant mais hautement cinématographique), et qu'on apprend, par une succession de scènes comiques au sein d'un magasin de bricolage, que la jeune femme s'apprête avec minutie à construire un douche pour la première fois, on comprend qu'Ana déjoue effectivement les codes sociaux. C'est d'ailleurs ce qui fait du premier long-métrage de Rachel Lang un film appréciable et moderne.
Le fragment de vie qu'elle nous présente ici semble pourtant universel. Par son errance professionnelle, par son ambivalence amoureuse, par sa détermination (à finir cette fameuse douche tout particulièrement), par la façon dont s'articulent ses relations familiales, dans lesquelles on perçoit tantôt le reflet d'une enfant, d'une petite fille, tantôt celui d'une adulte positionnée, Ana devient figure d'une jeunesse contemporaine. Elle porte avec elle les incertitudes de cette dernière, sa lenteur illusoire aussi -cette lenteur masquant plutôt de nombreuses questions existentielles.
Même si l'on peut reprocher au film quelques longueurs et une certaine latence dans les plans - des plans séquences sans doute trop longs et trop nombreux-, l'humour discret et délicat semé ci et là, la tendresse de la caméra et la finesse du jeu de ses acteurs nous le rend tout à fait chérissable. Ce serait comme un de ces bonbons rectangulaires emballés, difficile à mâcher au début, mais si doux et plaisants une fois amorcés. Celui-ci serait à la pomme verte, un goût que l'on ne pioche pas souvent, mais qui nous réjouit.