À cheval entre documentaire et fiction, Bamako est une réussite : les interventions des témoins comme des avocats sont criantes de vérité, et l'idée formidable de Sissako est de mélanger ce procès avec des scènes de la vie quotidienne. On pourrait croire à une lutte de David contre Goliath, tant les accusés (FMI, Banque Mondiale) semblent hors d'atteinte et tout-puissants. Mais à cette puissance cynique, Sissako oppose la vie simple de ce village, ces gestes immémoriaux qui ont aussi leur force.
Plusieurs moments intenses maintiennent l'attention : la déposition de cette écrivaine, celle de l'instituteur qui ne peut formuler un seul mot, puis les plaidoiries vibrantes des deux avocats - mention spéciale pour celle de William Bourdon. Mais la scène absolument enthousiasmante, c'est celle de ce griot qui chante sa déposition. Tout le village est scotché par la beauté de ce chant abrupte. Et nous aussi avec.
Une seule petite critique : les intrigues secondaires sont assez bâclées. L'histoire déclinante de ce couple est trop peu explicite pour qu'on comprenne les pleurs de la chanteuses en fin de film. De même, le pistolet volé et l'homme qui meurt à la fin m'ont-ils laissé perplexe. Chacune de ces histoires est dans un entre-deux maladroit : trop développées pour s'inscrire dans la vie quotidienne que Sissako nous montre (travaux de teinture, vente de lunettes de soleil, chèvre qui bondit, toutes ces scènes qui créent une ambiance), pas assez pour constituer une intrigue secondaire pleine et entière.
Moins réussi que Timbuktu sans doute - moins d'images travaillées et de scènes fortes -, mais un bien joli film tout de même.