Il y avait, sur le papier, quelque chose d’audacieux dans l’approche de Fessler : abolir la frontière entre fiction et documentaire en plongeant le spectateur dans un monde entièrement peuplé de véritables animaux, accompagnés d’une voix off qui tisse le fil du récit. Mais cette ambition se heurte à une limite : en privilégiant l’observation à l’incarnation et à la narration.
Là où l’animation permettait d’habiter le regard du faon, d'explorer la forêt en un territoire de symboles et d’émotions, la mise en scène réaliste de Fessler se confine au statisme. La nature est belle, certes, filmée avec une élégance indéniable, mais elle semble étrangère, distante. On contemple plus qu’on ne ressent.
La promesse d’un retour aux sources aurait pu redonner à Bambi son âpreté originelle, loin des couleurs pastels et du lyrisme de Disney. Mais cette fidélité se fait ici prison.
Il ne suffit pas d’un réalisme accru pour revitaliser un mythe. Il faut une vision, une faille où l’émotion peut s’engouffrer. Ici, tout est tenu, contenu, presque muselé.
La narration en voix off, confiée à Mylène Farmer, se voulait sans doute incantatoire, une litanie poétique accompagnant la trajectoire de Bambi. Mais ce choix, au lieu d’amplifier l’émotion, semble l’étouffer. Trop linéaire, trop monocorde, elle peine à offrir au spectateur autre chose qu’une illustration sonore d’un récit déjà aplani par la mise en scène. Le danger de la voix off, c’est d’être un commentaire plutôt qu’un souffle. Ici, elle décrit plus qu’elle n’évoque, elle accompagne.
Peut-être aurait-il fallu oser le silence, la contemplation, la narration, ou davantage d'incarnation. Peut-être aurait-il fallu s’éloigner du texte pour mieux en retrouver l’esprit. Mais en restant à mi-chemin entre le documentaire et toutes ces questions, Bambi se perd dans une forêt où l’émotion ne trouve pas son chemin.