Bande à part
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Entre Naissance des pieuvres et Bande de filles, il n’y a qu’un pas, mais il est de taille : la prétention à servir un discours sociologique. Dans son premier film, Céline Sciamma traitait aussi de l’adolescence féminine, des repères fragiles propres à cet âge, de la découverte de l’amour. Les choix étaient identiques dans l’absence ostentatoire des adultes, et les décrochages poétiques par des instants de grâce musicale, une caméra rivée à ses personnages et traquant les moindres inflexions de ces êtres à fleur de peau.
Autour de son héroïne, la splendide et magnétique Karidja Touré, Sciamma dresse une cartographie par cercles : la famille, la bande, puis le crime. Si les scènes de groupe fonctionnent plus ou moins, la trajectoire et la métamorphose de la protagoniste convainquent dans son jeu et son apparence davantage que par les étapes du récit. Assez sommaire, il fait succéder à l’amitié l’amour, qui salit sa réputation et la fait basculer dans la vente de drogue. Tout cela est d’une limpidité assez déconcertante, et le film navigue maladroitement entre plusieurs directions. S’il s’agit d’un aperçu de la condition féminine en banlieue, il est grossier : mère au foyer ou criminelle, il faut choisir. S’il s’agit d’un film arty à grand renfort de séquences musicales, c’est inégal, parce que plombé et sans grande cohérence dans l’équilibre général.
Il ne suffit pas de capter des instantanés d’une jeunesse débridée pour faire un film : séquences d’insultes, fight clubs locaux ou rire au minigolf, la frontière est ténue entre l’aspect documentaire et authentique, sur les traces d’un Kechiche, et la surécriture qui pourrait virer à la condescendance.
C’est là ce qui gêne le plus : cette incapacité à choisir entre l’esthétisme chic et le propos choc. La photographie est souvent très belle, et la ville nocturne admirablement restituée. Le visage de la comédienne sublimé, et la musique choisie avec soin.
Ce qu’il faudrait, en somme, c’est qu’on ne s’embarrasse pas à nous raconter quelque chose, et encore moins à nous démontrer quoi que ce soit.
Céline Sciamma ferait d’excellents clips.
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Créée
le 24 nov. 2015
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